GéorgieÉlections décisives après l’arrestation de l’ancien président géorgien
Le scrutin des municipales prend une tournure différente ce samedi suite à l’interpellation la veille de Mikheïl Saakachvili, figure de l’opposition.
![Mikheïl Saakachvili a été rapidement arrêté par les autorités vendredi pour une affaire «d’abus de pouvoir» qu’il juge politique. Mikheïl Saakachvili a été rapidement arrêté par les autorités vendredi pour une affaire «d’abus de pouvoir» qu’il juge politique.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/10/9f262cc9-3b07-4bec-b519-98ad4c5ab591.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1024%2C682&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=bd136e999bf61f203b425df837228f54)
Mikheïl Saakachvili a été rapidement arrêté par les autorités vendredi pour une affaire «d’abus de pouvoir» qu’il juge politique.
AFPLes Géorgiens votaient samedi lors d’élections municipales cruciales pour le pouvoir, au lendemain de l’arrestation à son retour d’exil de l’ancien président Mikheïl Saakachvili, la principale figure de l’opposition.
Dimanche, plusieurs partis d’opposition ont crié à la fraude. «Nous avons vu des intimidations d’électeurs et des achats de voix avant les élections, puis des votes multiples le jour du scrutin», a affirmé à l’AFP Guiorgi Baramidze, un dirigeant du Mouvement National Uni (MNU). Le chef du parti Lelo, Badri Japararidze, a également dénoncé des «intimidations à grande échelle».
Après le comptage de 85% des bureaux de vote, la formation au pouvoir, Rêve géorgien, remporte près de 48% des suffrages, contre 52% pour tous les partis d’opposition. La formation au pouvoir, fondée par Bidzina Ivanichvili, l’homme le plus riche de Géorgie et grand rival de Mikheïl Saakachvili, a balayé les accusations de fraudes. Dans un communiqué, elle a affirmé que le vote de samedi avait correspondu «aux plus hauts critères démocratiques».
L’opposant Guiorgi Baramidze, du MNU, a promis que sa formation utiliserait «tous les moyens légaux pour faire annuler cette falsification». Selon lui, la «crédibilité» du vote avait déjà été entachée par le départ en exil puis l’arrestation à son retour de Mikheïl Saakachvili.
Un test pour le pouvoir
L’arrestation de Mikheïl Saakachvili constitue une nouvelle étape de la crise politique qui touche ce pays du Caucase depuis près d’un an. Elle a accentué les enjeux du scrutin, perçu comme un test pour le parti Rêve géorgien, de plus en plus impopulaire.
En cas de défaite, le gouvernement pourrait être contraint d’organiser de nouvelles élections législatives, après celles d’octobre 2020 remportées de justesse par le Rêve géorgien, et dont la contestation a suscité cette crise.
«J’espère que le Rêve géorgien va avoir peu de voix et sera contraint d’organiser des législatives anticipées», dit Maïa Savaneli, 39 ans, une professeur de mathématiques rencontrée dans le centre de Tbilissi devant un bureau de vote.
Charismatique réformateur autant adulé que critiqué, Mikheïl Saakachvili, 53 ans, président de 2004 à 2013, est rentré secrètement vendredi dans sa patrie après un exil de huit ans.
Il a été rapidement arrêté par les autorités pour une affaire d’«abus de pouvoir» qu’il juge politique.
L’ancien dirigeant avait annoncé son retour en appelant à voter samedi pour le Mouvement national uni (MNU), le principal parti d’opposition dont il est le fondateur.
En face, le Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012 et fondé par son grand rival Bidzina Ivanichvili, l’homme le plus riche du pays, espère asseoir une légitimité fortement contestée.
Selon un sondage Ipsos Global en date du 26 septembre, six partis d’opposition remporteraient 54% des suffrages lors des élections de samedi (dont 27% pour le parti de M. Saakachvili), contre 33% pour la formation du pouvoir.
«Capacité à combattre»
Le scrutin pourrait être suivi de manifestations, Mikheïl Sakachvili ayant appelé ses partisans à manifester dimanche dans la capitale Tbilissi pour défendre les résultats du vote.
«Je veux vous demander à tous d’aller voter afin que pas une seule voix ne soit perdue», a-t-il tweeté samedi depuis sa prison, postant une photographie d’une lettre à ses partisans.
«Ma liberté, et plus important, la liberté de la Géorgie dépendent entièrement de vos actes et de votre capacité à combattre» a-t-il ajouté.
Le dirigeant du MNU, Nika Melia, a lui assuré samedi devant la presse que l’opposition allait obtenir «une victoire décisive», tout en accusant le gouvernement d’avoir acheté des voix et d’intimider des électeurs.
À midi heure locale (08H00 GMT), la participation atteignait 18%, selon la Commission électorale. Les bureaux de vote fermeront à 16H00 GMT.
«Ce sera difficile pour le gouvernement de falsifier les résultats si la participation est élevée», estime Luka Samouchia, un peintre de 27 ans interrogé par l’AFP. Lui dit avoir voté contre Rêve géorgien. «Ils doivent partir.»
Accord avorté avec l’opposition
La Géorgie est plongée dans une crise politique depuis la dénonciation par l’opposition de fraudes massives aux législatives d’octobre 2020, remportées de justesse par le parti au pouvoir.
En mai dernier, un accord sous la médiation de l’Union européenne prévoyait l’organisation de nouvelles législatives si Rêve géorgien emportait moins de 43% des voix aux élections municipales de samedi.
Toutefois, en juillet, le parti au pouvoir s’est finalement retiré de l’accord, suscitant les protestations de l’opposition de Mikheïl Saakachvili et des partenaires occidentaux de Tbilissi.
Dans ce pays du Caucase habitué à l’instabilité politique, ces élections municipales sont surveillées de près pour déceler toute fraude ou signe de recul en matière de démocratie.
Ces dernières années, le parti Rêve géorgien a été accusé de faire taire ses opposants et des journalistes par le biais de poursuites judiciaires.