Bulgarie: Marasme et montée du camp prorusse après un énième scrutin

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BulgarieMarasme et montée du camp prorusse après un énième scrutin

Les conservateurs et libéraux sont au coude-à-coude à l’issue de nouvelles législatives dimanche en Bulgarie, un scrutin également marqué par une montée du camp prorusse.

Dans la capitale Sofia, les électeurs interrogés par l’AFP au fil de la journée voulaient croire en une issue de crise.

Dans la capitale Sofia, les électeurs interrogés par l’AFP au fil de la journée voulaient croire en une issue de crise.

AFP

C’est le pire des scénarios, estime Evelina Slavkova, analyste du cabinet d’études Trend: «plus les résultats sont proches, plus il sera dur de former un gouvernement stable», a-t-elle expliqué sur la chaîne Nova Television, alors que ce pays des Balkans votait pour la cinquième fois en deux ans.

Le parti conservateur Gerb de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov est crédité d’une très légère avance (de 24 à 26%) sur la liste libérale menée par l’ex-dirigeant centriste Kiril Petkov (autour de 23/24%), selon les projections publiées dans la soirée par quatre instituts de sondage sur la base de dépouillements partiels. Les chiffres officiels ne seront connus que plus tard dans la semaine.

Loin des espoirs nés de la vague de manifestations anti-corruption de l’été 2020, cet État de 6,5 millions d’habitants, le plus pauvre de l’UE, s’enfonce dans une coûteuse crise politique sans précédent depuis la fin du communisme en 1990.

«Plus confiance en personne»

Depuis la chute de Boïko Borissov après une décennie au pouvoir, les différentes formations n’arrivent pas à bâtir une coalition durable. Un marasme accentué par le conflit en Ukraine dans une société historiquement et culturellement proche de Moscou, qui se déchire sur l’aide à apporter à Kiev.

La jeune formation ultranationaliste prorusse Vazrajdane (Renaissance) a profité de ce contexte géopolitique pour poursuivre son ascension: elle a recueilli de 13 à 14% des suffrages, contre 10% au scrutin d’octobre. Elle refuse toute livraison d’armes à Kiev et défend ouvertement l’idéologie du Kremlin, tout comme les socialistes du PSB (de 9 à 10%), héritier de l’ancien Parti communiste qui dirigeait autrefois le pays.

L’abstention a encore été très élevée dimanche, bien que moindre que lors du précédent vote: le taux de participation est estimé à seulement 40%. Et ceux qui se sont déplacés ont confié être à bout de patience.

«Je fais le vœu d’un gouvernement stable, vous comprenez?» a déclaré à l’AFP Boyan Sapunov, un retraité de 79 ans excédé par la succession de gouvernements intérimaires, tandis que Krassimir Naydenov, un employé de 57 ans, disait «ne plus avoir confiance en personne».

Pour l’expert Andrey Raytchev, de l’institut Gallup International, «la guerre en Ukraine, l’inflation galopante, la pression des partenaires occidentaux» devraient pousser en théorie les premières forces du pays, toutes deux pro-occidentales, à s’entendre.

Impossible entente?

Mais Lukas Macek, chercheur associé de l’Institut Jacques Delors pour l’Europe Centrale et de l’Est, se dit «sceptique sur une possible issue à moins d’un retrait de Boïko Borissov», jugeant «inquiétante cette spirale d’élections». «On retrouve le même schéma que dans d’autres pays d’Europe centrale: un ancien dirigeant qui s’accroche, alors que les autres partis refusent de s’allier à lui, sans toutefois avoir grand-chose en commun par ailleurs».

L’intéressé a mis en garde contre de nouvelles élections. «Ce serait suicidaire, la plupart des gens réclament la fin de l’instabilité», a averti Boïko Borissov, 63 ans, venu voter en jeans. Celui dont l’image d’homme du peuple a été ternie par des soupçons de corruption avait échoué à former un gouvernement faute d’alliés à l’automne dernier, après être arrivé en tête des élections.

Son rival et ennemi juré, Kiril Petkov, 42 ans, a lui souhaité que la Bulgarie accède enfin à «la vie d’un pays européen normal» et que ses citoyens arrêtent d’émigrer.

Si ce vote n’est pas concluant, les Bulgares devront composer avec un nouveau cabinet intérimaire nommé par le président Roumen Radev, lui-même farouchement opposé à l’envoi d’armement à l’Ukraine. Même si de fait les usines tournent à plein régime depuis l’invasion russe et exportent indirectement des munitions via des pays tiers.

(AFP)

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