ÉconomieGuerre en Ukraine: un coup de massue pour les pays pauvres
Les pays en développement souffrent des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, au risque de provoquer des mécontentements sociaux.
La guerre en Ukraine, synonyme de flambée des prix des matières premières, crée une nouvelle onde de choc dans les pays en développement, déjà affaiblis par la pandémie, faisant craindre à l’ONU d’importants mécontentements sociaux.
Dans un nouveau rapport, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), un groupe de réflexion économique des Nations unies, met en garde contre les dommages économiques considérables que le conflit cause déjà dans de nombreuses régions du monde en développement.
«De nombreux pays en développement ont eu du mal à obtenir une reprise économique dynamique au sortir de la récession liée au Covid-19, et sont maintenant confrontés à de forts vents contraires dus à la guerre. Que cela conduise à des troubles ou non, une profonde anxiété sociale se répand déjà», souligne la secrétaire générale de la Cnuced, Rebeca Grynspan. Selon l’ONU, les prix des céréales ont déjà dépassé ceux du début du printemps arabe et des émeutes de la faim de 2007/2008.
«Un ouragan de famines»
En raison du blocage de productions agricoles en Ukraine et Russie, la guerre devrait, dans ses répercussions, frapper le plus durement les pays pauvres, a averti il y a dix jours le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, mettant en garde contre «un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial».
La Cnuced craint que la combinaison d’un affaiblissement de la demande mondiale, d’une coordination insuffisante des politiques au niveau international et de niveaux d’endettement élevés, dus à la pandémie, ne génère «des ondes de choc financières susceptibles de pousser certains pays en développement dans une spirale infernale d’insolvabilité, de récession et d’arrêt du développement».
Globalement, «les effets économiques de la guerre en Ukraine vont aggraver le ralentissement économique actuel dans le monde et affaiblir la reprise après la pandémie de Covid-19», selon Rebeca Grynspan. Dans son rapport, la Cnuced a abaissé ses prévisions de croissance mondiale à 2,6% pour 2022, contre une première prévision établie à 3,6% en septembre.
Une «arme pointée» sur l’économie
La croissance mondiale en 2022 sera «plus lente, plus inégale et plus fragile que ce que nous avions prévu», selon le rapport qui explique que les nouvelles estimations intègrent la guerre en Ukraine mais aussi «le resserrement de la politique macroéconomique, dans les économies développées».
À la mi-mars, la Cnuced avait déjà averti d’une rapide dégradation des perspectives de l’économie mondiale avec la guerre en Ukraine, sous l’effet entre autres de la hausse des prix des denrées alimentaires, des carburants et des engrais, de la volatilité financière accrue, de la reconfiguration complexe des chaînes d’approvisionnement mondiales et de l’augmentation des coûts commerciaux.
Selon la Cnuced, la Russie, lourdement sanctionnée pour avoir envahi l’Ukraine, devrait connaître une profonde récession cette année (-7,3%). Des ralentissements significatifs de la croissance sont par ailleurs attendus dans certaines parties de l’Europe occidentale et de l’Asie centrale, du Sud et du Sud-Est.
Tendance au resserrement monétaire
Le rapport relève que la guerre exerce de nouvelles pressions à la hausse sur les prix internationaux de l’énergie et des produits de base, grevant les budgets des ménages et augmentant les coûts de production, tandis que les perturbations du commerce et les effets des sanctions risquent d’atténuer les investissements à long terme.
Selon la Cnuced, le conflit est susceptible de renforcer la tendance au resserrement monétaire dans les pays avancés, après des mesures similaires qui ont débuté fin 2021, dans plusieurs pays en développement en raison des pressions inflationnistes, avec également des réductions de dépenses prévues dans les prochains budgets.
Ces mesures sont prises «alors même que l’inflation n’a pas encore entraîné une croissance soutenue des salaires, ce qui rend la menace d’une spirale salaires-prix sans fondement», déplore-t-elle. «L’économie mondiale se trouve, au sens propre et au sens figuré, avec une arme pointée sur elle. Arrêter la guerre en Ukraine, reconstruire son économie et mettre en place un accord de paix durable doivent être les priorités», souligne le rapport.