NeuchâtelAvec son fort accent, le chef de train entre à l’Université!
Son parler neuchâtelois bien appuyé ne ravit pas seulement les usagers des CFF: à l’Université de Neuchâtel, le Centre de Dialectologie a disséqué une annonce de Jean-Claude von Rotz!
- par
- Vincent Donzé
Son accent neuchâtelois tranché au couteau a fait de lui une star du rail: le 1er août dernier, lematin.ch publiait une vidéo du chef de train Jean-Claude von Rotz. Surprise quelque temps plus tard: l’annonce insolite de ce contrôleur au moment d’entrer en gare a été décortiquée au Centre de Dialectologie de l’Université de Neuchâtel.
L’article du matin.ch a été cité dans le cadre d’un cours intitulé «Variations sociolinguistiques en francophonie». Pour la professeur Marine Borel, il était question «de patrimoine et d’identité». «J’ai l’impression qu’il force le trait dans ses annonces au point de s’éloigner de l’accent neuchâtelois. Il en a moins en interview…», remarque-t-elle avec justesse. Si Jean-Claude von Rotz en rajoute une couche, c’est pour égayer les voyageurs.
Devant 150 étudiants sur un écran géant, à l’aula des Jeunes-Rives, Marine Borel a intégré la démarche du contrôleur dans une leçon portant sur les accents de Suisse romande, la manière dont on peut les décrire et celle dont on les perçoit. Avoir un accent, c’est une chose. L’aimer, c’est autre chose…
Avec des étudiants en lettres, en logopédie ou en science du langage, Jean-Claude von Rotz a trouvé sa place dans un chapitre portant sur l’insécurité linguistique et la fierté identitaire. Une première: «Je n’ai jamais été sur les bancs de l’Université», confie le chef de train.
Selon Marine Borel, l’accent neuchâtelois est aisément reconnaissable: «Souvent refoulée ou ironisée, rarement valorisée, il existe une façon de parler propre au canton de Neuchâtel», a-t-elle mentionné dans son «PowerPoint».
Sur les grandes lignes CFF, le chef de train Jean-Claude von Rotz est une personnalité bientôt retraitée. «Prochain arrêt: Bienne, le train continue pour Lôôzanne avec arrêt à Neuuuuchââtel, restez en santé jusqu’à la prochaine!» Ses annonces font rire les voyageurs. Joignant le geste à la parole, il est toujours là pour rendre service et pour aider à faire du chiffre dans le wagon-restaurant.
Pas humoriste
«Je ne suis pas un humoriste mais j’ai toujours aimé barjaquer dans le micro», nous confiait-il, après quarante-quatre ans de service. Vaguement dilué dans l’accent jurassien de son épouse, son accent neuchâtelois est intermittent, appuyé lorsqu’il s’agit de divertir davantage les voyageurs pendant la pandémie.
Son dernier train avant la retraite, il prévoit de le prendre à 63 ans, le 15 avril 2022, un Vendredi-Saint. Le prochain défi de ce numismate sera sans parole: apprendre la langue des signes…