EspagneLa langue dans les écoles catalanes envenime le débat politique
Une polémique sur la place de l’espagnol dans les écoles de Catalogne attise les tensions. Les indépendantistes veulent remotiver leur base, l’opposition accuse Pedro Sanchez de garder les bras croisés.
Avec pour slogan «Maintenant et toujours, l’école en catalan!» des milliers de personnes ont manifesté, samedi, à Barcelone, à l’appel notamment de syndicats et de partis indépendantistes, pour défendre le modèle linguistique des écoles publiques de la Catalogne, région du nord-est de l’Espagne où toutes les matières – à part bien sûr le «castillan», c’est-à-dire l’espagnol – sont enseignées en catalan.
Même s’il ne date pas d’aujourd’hui, ce débat sur l’éducation en Catalogne s’est envenimé suite à la demande de parents d’un enfant de 5 ans, de la localité de Canet de Mar, de faire respecter une décision judiciaire datant de novembre et exigeant un minimum de 25% de cours en espagnol. Cette famille a été la cible d’un torrent d’insultes sur les réseaux sociaux, tandis que le gouvernement régional, dirigé par les indépendantistes et compétent, comme dans les autres régions, en matière d’éducation, s’est montré réticent à l’idée de faire respecter cette décision.
Rare vulgarité
En face, l’opposition de droite a fait de cette affaire l’angle de toutes ses attaques contre le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez. Lors d’un débat enflammé au Parlement, mercredi, le numéro un du Parti populaire (PP, droite), Pablo Casado, a fait preuve d’une rare vulgarité en lançant sur un ton agressif à Pedro Sanchez: «Mais putain, que doit-il se passer en Espagne pour que vous preniez vos responsabilités?»
À la tête d’un gouvernement minoritaire, qui a besoin des voix des indépendantistes catalans pour faire passer ses mesures clés, comme son budget, le socialiste s’est contenté de faire part de sa «solidarité» avec la famille de Canet de Mar et de rappeler que les décisions de justice doivent s’appliquer. Avant de critiquer la droite pour «enflammer» le débat en allant jusqu’à parler «d’apartheid linguistique».
Il se raccroche à la langue
En plein doute, quatre ans après l’échec de la tentative de sécession de 2017, les indépendantistes voient dans cette affaire l’occasion de remobiliser leurs troupes. Le mouvement séparatiste «est très affaibli, les enquêtes d’opinion le montrent. La langue est le sujet auquel il se raccroche pour tenter de revitaliser sa base électorale», explique Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone. L’électorat séparatiste «est démotivé» et marqué «par une grande frustration, une grande fatigue».
Une frustration qui vient notamment des divisions entre les différentes franges du mouvement, de nouveau manifestes dans cette affaire. Le parti Ensemble pour la Catalogne, de l’ex-président régional Carles Puigdemont, aux postures plus radicales, exige que le gouvernement régional, dont il fait partie, affiche clairement sa volonté de désobéir à la justice. La Gauche républicaine de Catalogne (ERC), qui est à la tête de ce gouvernement, a proposé au contraire une position intermédiaire, revenant à mettre deux professeurs, un en catalan et un en castillan.
Une solution en ligne avec le positionnement de cette formation modérée, qui prône le dialogue avec le gouvernement central et a notamment obtenu, ces derniers jours, de l’exécutif de Pedro Sanchez des financements publics pour la production en catalan à destination des plateformes comme Netflix, en échange de son soutien crucial au budget.