FootballJacky Barlie: «Quand on parle de Pelé, le mot génie veut tout dire»
En juin 1959 aux Charmilles, Servette avait joué contre Santos, alors en tournée européenne comme le club brésilien en avait pris l’habitude. Le portier «grenat» devait retrouver Pelé au printemps 2004. Il raconte.
- par
- Nicolas Jacquier
Avec son joyau Pelé et quelques autres stars, le FC Santos avait fait de sa traditionnelle tournée européenne d’été une affaire florissante, une mode lancée plus tôt par les Uruguayens de Penarol Montevideo mais que le club brésilien devait développer à son avantage.
Ainsi Pelé a-t-il souvent eu l’occasion de se produire à travers le Vieux-Continent, particulièrement en Italie, en Allemagne de l’Ouest, en France et en Espagne, beaucoup plus rarement en Suisse.
Emmenée par Pelé, la caravane de Santos allait néanmoins effectuer trois étapes dans notre pays, à Genève (victoire 4-1 contre Servette «renforcé» en 1959), Bâle (victoire 8-2 contre le FCB en 1961) et enfin à Zurich (défaite 5-4 contre le FCZ). Entamée en Bulgarie, la tournée la plus mémorable demeure celle de l’été 1959 qui avait vu le club de l’état de São Paulo disputer 22 matches dans 9 pays pour y marquer la bagatelle de 78 buts - dont 28 l’avaient été par Pelé.
Santos avait fait halte aux Charmilles le 9 juin 1959 pour une nocturne de gala. Devant 11 000 spectateurs, les visiteurs avaient assuré le spectacle pour s’imposer au petit trot 4-1. Pour le plus grand bonheur du reporter du Journal de Genève, sous le charme des prouesses de Pelé. «Cet homme est véritablement prodigieux de maîtrise et aussi de sens du terrain, écrit-il dans une envolée lyrique. Il «voit» à côté et derrière lui. Il sait où se trouvent les adversaires et les coéquipiers cela lui permet neuf fois sur dix de réussir des feintes étourdissantes, de risquer un coup de talon, de s’effacer alors qu’il donne l’impression de tirer. Et à chaque coup ce qu’il a prévu advient. Vraiment merveilleux.»
«Pelé avait fait un festival, se souvient Jacky Barlie. C’était un phénomène qui se baladait…» Le jeune portier avait pu fouler la pelouse pendant quelques minutes.
«Pelé était au-dessus de tout le monde. Sur le but qu’il nous avait mis de la tête, il avait sauté plus haut que les bras tendus de René (ndlr: Schneider). Tout allait trop vite. Ce n’était plus un footballeur. Quand on parle de Pelé, le mot génie veut tout dire. Messi, c’est fort. Ronaldo, c’est aussi fort. Mais le Roi, c’était encore autre chose de plus fort…» Au printemps 1961, Servette s’était incliné amicalement 7-1 contre Botafogo, une autre formation brésilienne, également en tournée.
Bien des années plus tard, en tant qu’intendant du Servette FC cette fois-ci, Barlie avait retrouvé Pelé au printemps 2004. À l’époque, le Brésilien de légende, à l’invitation de Marc Roger, était venu donner le coup d’envoi de Servette - Young Boys au Stade de Genève. «J’avais été le chercher à l’aéroport avec d’autres personnes du club, reprend l’ancien grand gardien «grenat», joint ce vendredi au Sénégal. Comme je lui parlais de notre match contre Santos, il m’a dit qu’il s’en souvenait très bien. C’était la grande classe…»
Ce 18 avril 2004, Servette, entraîné alors par Marco Schällibaum, n’avait pas dansé la samba sous les yeux du Roi, s’inclinant 2-0 face aux Bernois au sein desquels évoluait notamment Stéphane Chapuisat. Avant le match, Pelé n’avait pas manqué d’aller saluer les joueurs des deux équipes dans leurs vestiaires. «Désolé, s’était-il excusé auprès d’eux, mais moi, je n’ai pas le privilège de vous connaître.»
Des propos qui font écho à l’anecdote rapportée par Pelé lui-même suite à une rencontre avec Ronald Reagan dans les jardins de la Maison-Blanche. «Il m’a dit: «Je m’appelle Ronald Reagan, je suis le président des États-Unis d’Amérique. Mais tu n’as pas besoin de te présenter, car tout le monde sait qui est Pelé.» Peut-être plus qu’un Roi, dont le royaume n’a pas de frontières.