Montreux Jazz«La musique est ce qui maintient a-ha ensemble»
Quarante ans après, le trio norvégien a toujours le sens de la mélodie, même si l’entente n’est plus ce qu’elle était. Interview de Magne Furuholmen avant son concert ce vendredi.
- par
- Laurent Flückiger
On associe les Norvégiens de a-ha aux années 80 – leur tube de pop synthétique «Take On Me» pourrait même être la parfaite bande-son de cette décennie. À l’époque, Morten Harket, Pål Waaktaar-Savoy et Magne Furuholmen faisaient le tour du monde. Du passé? Pas du tout. Le trio a sorti dix albums et jouit encore aujourd’hui d’une bonne réputation de magiciens de la mélodie. Son histoire, passionnante, a même été racontée dans un film sorti en 2021. A-ha voulait devenir des popstars et ils ont réussi. L’entente dans le groupe, par contre, est tout juste cordiale, et ce depuis longtemps. Ce qui ne l’empêche pas de faire des concerts à la qualité toujours reconnue.
Quelques heures avant que a-ha monte sur la scène du Stravinski, nous avons rencontré Magne. Le futur sexagénaire était le seul des trois à bien vouloir parler de sa carrière. Et ça tombe bien, il a toujours été notre préféré.
Vous êtes déjà venu à Montreux avec a-ha, c’était en 1986 lors du Montreux Rock Festival. Vous vous en souvenez?
Oui, c’est la première fois que j’ai vu Terence Trent D’Arby. Il était aussi à ce festival. Je m’en souviens bien, on était en plein milieu de notre premier succès et nous avons passé un merveilleux moment ici. Nous avons pu aller skier sur une piste qui était fermée pour la saison mais qui a été ouverte pour trois Norvégiens qui voulaient s’y rendre. Le Festival de Jazz a toujours été un événement super excitant à suivre en tant que mélomane. Alors y revenir maintenant et jouer dans ce festival est une chose merveilleuse.
En automne, vous sortez un projet intitulé «True North» qui a été réalisé au nord du Cercle arctique. Pourquoi là-bas?
La pandémie ayant rendu impossible tout déplacement, nous nous sommes demandé ce qu’il fallait faire. Toutes les tournées ont été annulées et les gens ne pouvaient pas voyager. Nous avons donc pensé que ce serait bien d’envoyer une sorte de lettre musicale de chez nous. Et la partie nord de la Norvège est incroyable en termes de nature et de population. C’est une partie du pays que j’ai appris à aimer de plus en plus en vieillissant. Elle a donc été choisie comme une sorte de toile de fond pour les nouvelles chansons et la nouvelle musique. Beaucoup des chansons auxquelles j’ai contribué sur cet album tournent autour de notre relation avec la nature et de la façon dont nous devons nous améliorer pour en prendre soin. Et c’est une sorte d’hommage au pays qui nous a façonnés en tant que musiciens et artistes.
Vous avez composé les morceaux les trois ensemble?
La moitié de l’album a été faite à Los Angeles parce que c’est là que Pål vit. L’autre moitié a été faite en Norvège. Donc c’est très différent de ce que c’était dans les années 80, où nous vivions ensemble, nous enregistrions ensemble, nous mangions ensemble, nous ne dormions pas ensemble, enfin en quelque sorte oui, puisque c’était dans la même pièce. Aujourd’hui, nous essayons toujours de faire de la belle musique du mieux que nous pouvons, mais dans des situations très différentes. Les choses ont changé, sauf l’ambition de chacun de laisser quelque chose de beau derrière soi.
Avez-vous voulu réaliser un projet aussi important et personnel que «True North» parce qu’il sera peut-être votre dernier tous ensemble?
Je pensais déjà que l’album précédent serait notre dernier. Donc celui-ci est une sorte de bonus. C’est toujours pareil avec a-ha. Je pense que la musique est ce qui nous maintient tous ensemble. C’est notre héritage en tant que a-ha. Nous faisons tous de la musique séparément, individuellement, donc nous sommes tous des personnes différentes aujourd’hui par rapport à il y a quarante ans. Mais je pense que nous communiquons toujours mieux lorsque nous avons de la musique à jouer, c’est pourquoi nous continuons à le faire.
Vous avez toujours un groupe avec le bassiste de Coldplay?
Ce n’est pas vraiment un groupe. C’est un projet qui a démarré avec des amis du monde de la musique qui voulaient faire les choses différemment. On a appelé ça Apparatjik. Parfois, il est agréable d’avoir des projets qui ne sont pas des projets de carrière. Il n’y a pas de management, il n’y a pas de maison de disques. C’était comme une sorte d’espace sûr pour être enfantin et créatif et, et se rappeler comment c’était quand on était jeune et qu’on n’essayait pas de vendre ce qu’on faisait. On le faisait juste parce qu’on aimait ça.
Aujourd’hui encore, il est impossible de ne pas passer «Take On Me» lors d’une fête si on veut que celle-ci soit réussie. C’est un classique. Cela doit vous rendre fier.
Vous savez, cette chanson a suivi sa propre vie et a touché différentes générations de personnes. Pour être honnête, je ne la passe pas à mes fêtes. Mais peut-être que mes fêtes sont plus ennuyeuses que les vôtres! (Rires.) Mais, bien sûr, nous sommes fiers d’avoir eu l’occasion de faire ce que nous aimons pendant quarante ans. Et cette chanson a joué un rôle crucial dans notre carrière. C’est assez incroyable.
Incroyable aussi le fait que vous avez créé la mélodie de «Take On Me» au synthé à l’âge de 15 ans.
Je ne savais pas ce que je faisais. Mais je l’ai fait. La vérité, c’est que «Take On Me» a des contributions de tout le monde, mais elle est passée par différentes étapes jusqu’à ce qu’elle soit enregistrée et devienne un single de a-ha. Alors oui, la durée de vie de cette chanson et la façon dont elle a été créée sont assez uniques. Mais nous avons sorti dix albums au fil des ans, et chaque chanson que vous écrivez donne l’impression de mettre un enfant au monde, et vous voulez que cet enfant grandisse pour qu’il soit heureux, en harmonie et qu’il ait du succès. Parfois, on se sent un peu triste pour les chansons qui n’ont pas reçu autant d’attention. Mais vous êtes manifestement très fier du fait qu’elles aient parlé à autant de personnes en autant d’années.