JuraAbris antiatomiques: Pierre Kohler n’a pas changé d’avis
L’ancien conseiller national était opposé à l’obligation d’aménager des abris privés. La guerre en Ukraine n’a pas modifié son discours.
- par
- Vincent Donzé
Sur la photo, Pierre Kohler a l’air lugubre, tout le contraire de son tempérament. Bras croisés dans la cave d’un établissement de Delémont, l’ancien conseiller national revient sur une proposition débattue en 2006: supprimer la nécessité d’aménager des abris antiatomiques dans des immeubles privés.
«Je n’ai pas changé d’avis, il y a toujours trop de places protégées», prévient d’emblée Pierre Kohler. Les chiffres publiés lundi dernier par les autorités jurassiennes lui donnent raison. Le canton du Jura dispose d’un taux de couverture de plus de 100%. «Toute la population sera en mesure de se protéger dans un abri en cas de survenance d’un événement grave», a précisé le gouvernement jurassien.
365’000 abris
Sur l’ensemble du territoire suisse, quelque 365’000 abris privés et publics offrent environ 9 millions de places protégées à la population, ce qui correspond à un taux de couverture également de plus de 100%.
«Au quotidien, les abris sont principalement utilisés à d’autres fins. Par exemple comme caves, entrepôts ou locaux associatifs», ont indiqué les autorités jurassiennes, persuadées qu’«en cas de besoin, ils peuvent être aménagés en peu de temps pour protéger la population». Chez Pierre Kohler aussi? «Mon abri n’est pas encombré, mais j’irai plutôt me réfugier dans ma cave, tout aussi étanche…» dit-il.
Lampes de poche
Les abris sont conçus de manière à permettre des séjours plus ou moins longs. «De quelques heures à plusieurs jours», a précisé le gouvernement. «L’important, c’est l’eau et la lumière. Ce qui me fait peur, c’est de me retrouver dans la pénombre, d’où l’importance de stocker des piles et des lampes de poche», confie Pierre Kohler, qui dispose chez lui de quatre places.
«Comment s’en sortir dans les décombres d’un immeuble qui s’écroule sur l’abri?» s’interroge Pierre Kohler, pour qui «le mieux pour résister en cas de bombardement est encore de se sauver dans la forêt», loin des objectifs militaires.
Application Alertswiss
«La préparation des abris n’a lieu que sur ordre des autorités», a indiqué le gouvernement jurassien. «La population n’a pas été alertée lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl», remarque Pierre Kohler. «La situation actuelle ne l’exige pas à ce stade et la population sera avertie de l’attribution dans les abris», a précisé le gouvernement.
Pierre Kohler ne passera pas à côté d’une alerte: il a téléchargé l’application Alertswiss sur son smartphone. «J’obéis aux instructions des autorités», explique l’ancien politicien. Pourquoi? «L’ordre, c’est la seule façon de s’en sortir, plutôt que le chacun pour soi», répond-il.
Initiative parlementaire
En 2015, le Conseil des États avait refusé de lever l’obligation de construire des abris antiatomiques. Par 22 voix contre 11, il n’a pas donné suite à l’initiative parlementaire de Pierre Kohler, qui proposait de supprimer l’obligation, pour les particuliers, de construire des abris antiatomiques ou de payer la taxe compensatoire.
«Ces abris individuels sont devenus inutiles et renchérissent de manière injustifiée la construction de villas ou d’immeubles», expliquait alors l’initiant, suivi en 2006 par le Conseil national. Avant de se prononcer neuf ans plus tard, le Conseil des États a attendu un rapport demandé au Conseil fédéral.
Peu judicieux
Les autorités fédérales jugeaient «peu judicieux» de cesser d’exploiter le système d’ouvrages de protection antinucléaire, l’évolution en matière de sécurité restant «imprévisible». Les abris conservaient alors leur utilité en cas de catastrophe naturelle, d’accident chimique ou d’attaque nucléaire d’origine terroriste.
Le site de la Protection civile précisait alors qu’un conflit ayant des répercussions directes en Suisse ne pourrait éclater qu’au terme d’un délai de préalerte de plusieurs années. Avec 300’000 abris privés et 5100 abris publics, le pays disposait alors de 8,6 millions de places protégées, soit un taux de couverture de 114%.