AllemagneLe gouvernement veut faciliter le changement de genre
Dans un projet de loi qui doit encore recevoir l’aval du Parlement, le gouvernement allemand veut soumettre le changement de genre à une simple déclaration à remplir.
Le gouvernement allemand a adopté mercredi un projet de loi simplifiant le changement de genre et réclamé de très longue date par la communauté LGBTQ+, emboîtant le pas à d’autres pays européens comme récemment l’Espagne. Le texte suscite toutefois la controverse, notamment dans les rangs conservateurs.
Cette décision «constitue un grand moment pour les personnes transgenres et intersexes en Allemagne», s’est félicitée la ministre de la Famille, Lisa Paus. Le projet sur «l’autodétermination du genre», qui doit encore être soumis au Parlement, vise à «faciliter le changement de genre et de prénom à l’état civil pour les personnes transgenres, intersexes et non binaires», ont précisé ses services, dans un communiqué. Il suffira de remplir une déclaration auprès de l’état civil pour changer de prénom et de genre.
Il s’agit de l’un des projets sociétaux phares de la coalition du chancelier social-démocrate Olaf Scholz, avec la récente légalisation contrôlée du cannabis qui a été mise sur les rails. L’Allemagne rejoint ainsi le club des pays qui ont adopté le principe de l’autodétermination, comme la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, le Luxembourg ou encore le Danemark.
Une précédente loi très restrictive
Le texte doit remplacer une précédente législation datant des années 1980 qui considérait de facto la transidentité comme une maladie psychique. Elle contraignait les personnes souhaitant changer de genre à passer deux tests psychologiques et répondre notamment à des questions très intimes sur leur sexualité. Au final, un juge prenait la décision d’autoriser ou non le changement.
La Cour constitutionnelle l’avait déjà en partie recalée et avait permis d’abolir dans les années 2010 l’obligation de stérilisation et d’intervention chirurgicale avant un changement de genre. Ces obligations avaient aussi été dénoncées aussi par la Cour européenne des droits de l’homme en 2017.
Pour les moins de 14 ans, seuls les parents ou tuteurs pourront engager une procédure. Les plus de 14 ans pourront engager seuls la démarche, mais avec le consentement de leurs parents, faute de quoi un tribunal devra décider.
Un temps de réflexion est également prévu. Ce n’est qu’après trois mois que le changement sera validé dans l’état civil. Une nouvelle demande éventuelle pour rechanger de genre ne sera possible alors qu’après un an, afin de «garantir le sérieux de la demande», selon le texte de loi. Kalle Hümpfner, un responsable de l’association fédérale de défense des droits des personnes transgenre (BVT) a qualifié le projet de loi auprès de l’AFP «d’opportunité historique», qui respecte pour la première fois les droits de la communauté LGBTQ+.
Levée de boucliers
Le projet de loi n’est pas sans controverse, l’opposition conservatrice de la CDU/CSU jugeant qu’elle va trop loin. «Le nom même de la loi d’autodétermination suggère qu’on doit choisir son identité sexuelle librement. Pour la majorité de la population, cette identité n’est pas remise en question», ont jugé des responsables de ces partis dans une prise de position. Selon eux, les candidats au changement de genre devraient consulter d’abord des experts, et le processus devrait être réservé aux adultes.
Certaines mouvances féministes sont également vent debout contre le projet pointant le risque que des hommes potentiellement agresseurs puissent abuser des nouvelles règles pour avoir accès aux espaces réservés aux femmes. Alice Schwartzer, 80 ans, célèbre féministe allemande qui a déjà lancé plusieurs campagnes hostiles aux personnes transgenres dans son magazine Emma, a dit craindre que la loi encourage les jeunes à changer leur genre juste parce que c’est «à la mode», dans un entretien à Der Spiegel.
Le président du syndicat allemand des personnels pénitentiaires René Müller a par ailleurs demandé des règles claires sur l’incarcération des personnes transgenres. «Vous ne pouvez jamais garantir qu’il n’y aura pas d’abus en matière de changement de genre, par exemple pour profiter des conditions d’incarcération réputées moins dures dans les prisons pour femmes», a-t-il jugé récemment dans les colonnes du quotidien populaire Bild.