Côte d’IvoireGbagbo propose un nouveau parti, attaque son ex-Premier ministre
L’ex-président entend laisser tomber le Front populaire ivoirien qu’il estime être «pris en otage» par Pascal Affi N’Guessan et créer une nouvelle formation.
Le divorce entre l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et son ancien compagnon de route Pascal Affi N’Guessan est consommé: lundi, Laurent Gbagbo a proposé la création d’un nouveau parti, laissant celui qu’il avait fondé aux mains de son ancien Premier ministre.
Cette annonce, faite à l’issue d’une réunion à Abidjan du comité central du Front populaire ivoirien (FPI), fondé en 1982 par Laurent Gbagbo, entérine une rupture datant de dix ans et qui apparaissait de plus en plus ouvertement entre Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan.
L’ancien président, rentré en Côte d’Ivoire le 17 juin après avoir été acquitté de crimes contre l’humanité par la justice internationale, a eu des mots très durs à l’encontre de son ancien allié et ami.
«Transformation historique»
Le FPI, «notre seul instrument de lutte politique est confisqué par Monsieur Affi N’Guessan et malgré les nombreuses initiatives pour le raisonner, il s’arc-boute sur sa soi-disant +légalité+», a-t-il déclaré, selon un communiqué du FPI publié à l’issue de la rencontre de ses instances dirigeantes. Laurent Gbagbo, «a pris acte de la volonté et de l’obstination de Monsieur Affi N’Guessan de prendre en otage le FPI, foulant ainsi au pied les années de sacrifice des militantes et militants du parti». Mais il «n’entend pas s’engager dans une bataille juridique» avec lui et «propose donc la création d’un nouvel instrument de lutte conforme à notre idéologie et nos ambitions».
Un comité de préparation du congrès constitutif au nouveau parti de Laurent Gbagbo doit être mis en place pour un congrès qui, selon une source au FPI, devrait avoir lieu en octobre.
«En voulant créer un nouveau parti autre que le FPI, Laurent Gbagbo prend acte de la transformation historique de la vie politique en Côte d’Ivoire», a estimé à l’AFP le politologue Jean Alabro.
FPI «légal» contre FPI «Gor»
«Ainsi, en réponse à ma demande d’audience, à ma volonté de dialogue en vue de l’unité du FPI, Laurent Gbagbo a choisi la rupture et la division. Il enterre l’espoir qu’avaient nos militants, nos électeurs, nos sympathisants, en l’unité de la gauche, en la réconciliation de notre famille politique», a écrit Pascal Affi N’Guessan, dans un communiqué transmis à l’AFP. Pour lui, Laurent «Gbagbo endosse de manière assumée devant nos compatriotes et devant l’histoire la responsabilité du schisme qui marque désormais l’épopée du FPI».
Enfin, Pascal Affi N’Guessan a dénoncé «une décision, dictée essentiellement par la soif de pouvoir et la volonté de revanche» et assuré de (sa) «ferme volonté de poursuivre (sa) mission pour la renaissance du parti en vue de la reconquête du pouvoir en 2025».
Deux camps
Le FPI est divisé en deux camps depuis la crise de 2010-2011 qui avait fait 3000 morts, née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à la présidentielle face à Alassane Ouattara: le camp de Pascal Affi N’Guessan, président du FPI dit «légal» reconnu par les autorités judiciaires ivoiriennes, et celui du FPI «Gor» (Gbagbo ou rien) de l’ancien président.
Plusieurs tentatives de rapprochement entre Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan ont échoué et la semaine dernière, apprenant la convocation des instances dirigeantes du parti par Laurent Gbagbo, le FPI «légal» avait estimé dans un communiqué que, «bien que membre fondateur du parti», Laurent Gbagbo «n’est pas le président en exercice du FPI». Le communiqué ajoutait que le FPI «légal» «luttera de toutes ses forces contre le culte de la personnalité et l’autocratie, le chemin de la dictature».
En avril 2011, Laurent Gbagbo avait été arrêté à Abidjan puis poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité après les violences liées à la présidentielle de 2010. Définitivement acquitté le 31 mars, il est rentré en Côte d’Ivoire le 17 juin. Depuis son retour, il a rencontré de nombreuses personnalités, dont son vieux rival le président Alassane Ouattara, le 27 juillet au palais présidentiel d’Abidjan.
Rencontre chaleureuse au cours de laquelle les deux hommes ont posé tout sourire pour les caméras et rivalisé d’amabilités, Alassane Ouattara qualifiant Laurent Gbagbo de «jeune frère» et «d’ami depuis des décennies». En retour, Laurent Gbagbo a appelé Alassane Ouattara «M. le président», alors qu’il n’avait jusqu’alors jamais reconnu ses victoires de 2010, 2015 et 2020.
Laurent Gbagbo s’était auparavant rendu à Daoukro pour y rencontrer dans son fief un autre ancien président, actuel chef de l’opposition, Henri Konan Bédié. Mais il n’a eu aucune rencontre avec son ancien compagnon de route Pascal Affi N’Guessan.