Présidentielle aux PhilippinesLe fils du dictateur Marcos, gagnant d’une campagne de désinformation
Aux Philippines, les partisans du favori de la présidentielle, Ferdinand Marcos Jr, fils du dictateur du même nom, ont tiré profit des réseaux sociaux pour redorer le blason de la famille.
Aux Philippines, pays qui compte parmi le plus grand nombre d’utilisateurs de réseaux sociaux au monde, Facebook, TikTok, Twitter et YouTube ont été inondés de messages de propagande relatifs au scrutin présidentiel du 9 mai. Les sondages prédisent une victoire écrasante du fils de l’ancien dictateur, Ferdinand Marcos Jr, surnommé «Bongbong», après plusieurs décennies d’efforts de sa famille pour réintégrer le palais présidentiel, qu’elle a fui en 1986.
Ses détracteurs l’accusent de dépeindre les deux décennies de dictature de son père comme une période de paix et de prospérité, et de vouloir laver sa famille des accusations de violations des droits humains et de détournements de fonds. Ces efforts semblent en passe de porter leurs fruits, notamment auprès des jeunes électeurs.
Né une décennie après la révolte populaire qui a conduit les Marcos à l’exil, Al Contrata, 25 ans, s’apprête à voter pour Marcos Jr, sur la base de ce qu’il a lu sur Facebook. «J’ai appris que les infrastructures ont été construites à l’époque du président Marcos. Depuis, je le vois sous un bon jour», explique ce chauffeur qui en 2016, avait voté pour Rodrigo Duterte. Cet habitant de la région de Manille veut croire que «’Bongbong’ va poursuivre ce que son père a commencé».
Réseaux sociaux vitaux
La désinformation autour de la présidentielle concerne principalement deux candidats: Marcos Jr et la vice-présidente sortante Leni Robredo, selon l’analyse de l’AFP Fact Check et de Tsek.ph, l’association philippine de vérification des faits.
«Les données montrent que Leni Robredo est l’objet d’une majorité de messages néfastes et que Ferdinand Marcos Jr bénéficie d’une majorité écrasante de messages favorables», affirment Maria Diosa Labiste et Yvonne Chua, de Tsek.ph. Un tel phénomène avait déjà marqué la présidentielle de 2016. Le fils du dictateur bénéficie du soutien de son fief familial, au nord de l’archipel, et de son alliance avec Sara Duterte, candidate à la vice-présidence et fille du président sortant. Les réseaux sociaux restent cependant essentiels, notamment Facebook.
Vidéos truquées: stupide ou communiste?
Depuis la défaite d’une courte tête de Ferdinand Marcos Jr face à Leni Robredo dans la course à la vice-présidence, en 2016, les pages consacrées à Marcos pullulent d’informations mensongères, allant de l’origine de fortune de la famille aux progrès économiques réalisés sous son père. Parmi celles passées en revue par l’AFP figure le fait que la fortune du père aurait pour origine un énorme paiement en or effectué par un client lorsqu’il était avocat. L’AFP a vérifié des dizaines d’affirmations fausses ou trompeuses au sujet de Leni Robredo, notamment des photos et des vidéos truquées visant à la dépeindre comme étant stupide ou communiste.
«Il est difficile de rivaliser avec la machinerie Marcos, car elle a commencé il y a six ans», reconnaît Cleve Arguelles, politologue à l’Université De La Salle, de Manille. «Ils ont vraiment beaucoup œuvré pour être dominants sur les réseaux sociaux, et ils en récoltent désormais les bénéfices.» En janvier, Twitter a suspendu plus de 300 comptes soupçonnés d’être liés à des partisans de Marcos Jr, pour avoir enfreint les règles de la plateforme en matière de manipulation et de spams. Le candidat a nié ces accusations.