SériesNouvelles censures chez Disney: par erreur cette fois?
La plateforme de streaming Disney+ s’attaque à la série «Falcon et le Soldat de l’Hiver» pour en atténuer certains passages violents et sanglants
Et voilà que Disney+ remet le couvert! Après avoir été accusée, il y a quelques semaines d’avoir censuré un baiser lesbien avant même la sortie de l’œuvre en question, la plateforme de streaming s’attaque aujourd’hui à ses séries déjà en ligne. Avec cette fois des scènes de violence graphique en ligne de mire, apparemment plus au goût du jour, selon l’Oncle Walt.
Ce sont des internautes américains de la plateforme Reddit, il y a quelques jours, qui ont identifié le problème. Pour l’instant, seules deux scènes semblent avoir été adaptées pour un public plus large, mais d’autres pourraient être passées sous le radar de ces gardiens du temple aux yeux de lynx.
Violence expurgée
Un certain «u/MooninMoulin» avait d’abord expliqué avoir été frappé par un détail: «J’étais en train de revoir «Falcon et le Soldat de l’Hiver»… Dans l’épisode 3, à 37 minutes et 45 secondes, Bucky lance une barre de métal contre une femme. A l’époque de la première diffusion, la barre venait se figer dans l’épaule de celle-ci, la clouant à un container. Maintenant, elle ne fait que rebondir sur son épaule». Il ajoutait alors craindre que d’autres scènes ne soient frappées du même mal ailleurs dans la série… Et ça n’avait pas manqué: quelques heures plus tard, un autre internaute exhumait justement une deuxième séquence modifiée, d’ailleurs issue du même épisode. On y voyait cette fois l’un des personnages, le Baron Zemo, tirer sur un scientifique de l’Hydra avant que celui-ci ne s’écroule au sol. Dans la séquence originelle, un plan montrait ce dernier au sol, la poitrine, le cou et la bouche ensanglantés, les yeux ouverts et vitreux, ne laissait que peu de doute quant à son sort. Mais dans la nouvelle version (35’27’’), le sang a complètement disparu, les yeux du personnage sont désormais fermés et plus rien n’indique donc que le personnage est vraiment mort.
Etrangement, dans le même épisode, une autre scène pourtant plus violente semble avoir pour l’instant échappé à cette censure. Celle où l’on voit John Walker, le remplaçant de Captain America, couper en deux un ennemi à l’aide du bouclier du super-héros.
L’affaire du baiser gay
Comme on le soulignait en début d’article, difficile de ne pas faire le rapprochement avec la récente polémique du baiser gay du prochain film Pixar, «Buzz l’éclair», dont la sortie est fixée au mois de juin. Le mois passé, des employés de Disney avaient adressé une lettre ouverte à l’ensemble des employés du studio, rapportant que celui-ci avait demandé de supprimer la «quasi-intégralité des manifestations d’affection ouvertement gay» de leurs films. Et face au tollé que cela avait provoqué, la firme avait accepté de réintégrer cette fameuse scène du baiser de «Buzz l’éclair», coupée dans un premier temps.
Et ce n’est pas la première fois que Disney annonce vouloir «protéger» nos jeunes têtes blondes. Il y a deux ans, le lancement de sa plateforme de streaming avait été l’occasion pour la firme aux grandes oreilles de modifier un grand nombre de ses œuvres, notamment en supprimant une séquence de «Dumbo» jugée raciste, tout comme une scène post-générique de «Toy Story 2», elle accusée de sexisme. Nous nous étions même spécialement penché sur le cas «Splash», cette sirène des années 80 dont les fesses nues avaient été pudiquement couvertes à coups de palette graphique.
Censure par erreur…
Pour revenir à «Falcon et le Soldat de l’Hiver», Disney n’a pas répondu aux sollicitations de la presse américaine pour expliquer ce brusque changement de politique, à peine un an après la mise en ligne de la série. Mais il se pourrait que ce soit lié aux nouveaux contrôles parentaux de la plateforme mis en place le 15 mars dernier, juste après l’ajout des séries Marvel conçues il y a quelques années pour Netflix, «Daredevil», «Luke Cage», «Jessica Jones», «Iron Fist» et «The Defenders», elles beaucoup plus orientées adultes. Désormais, l’utilisateur doit effectivement spécifier s’il veut accéder à l’ensemble de la bibliothèque, incluant donc du contenu plus mature, ou se limiter à une liste plus restreinte, mais aussi plus familiale. Il y a deux semaines, le site IGN s’était d’ailleurs attelé à une comparaison exhaustive des 135 épisodes de ces ex-séries Netflix en constatant que rien n’avait été modifié, qu’il s’agisse de scènes de sexe, de violence ou de jurons. Mais peut-être le résultat serait-il différent aujourd’hui…
Toujours est-il que Disney adoptant la politique de l’autruche au sujet de cet épisode de «Falcon et le Soldat de l’Hiver», un journaliste du «Hollywood Reporter» se risquait la semaine passée à une explication pour le moins rocambolesque: celle du bug technique. «Une source sûre m’a confirmé qu’il s’agissait d’un problème informatique, que le mauvais fichier avait été téléchargé par mégarde et que l’erreur avait été aussitôt corrigée», expliquait Ryan Parker sur Twitter. Or, à l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est toujours la version censurée qui figure au menu de la plateforme. En tout cas sur son pendant suisse.
Une IA à la rescousse?
Alors l’oncle Walt procède-t-il en réalité en secret à des tests de censure? Ou bien cette version modifiée fait-elle partie d’un des montages alternatifs qui pourraient avoir été réalisés à l’époque pour parer à toutes décisions du comité de classification des âges, et qui se serait effectivement retrouvé là par erreur? Peu probable… D’autant plus qu’en l’état, la séquence modifiée de la première des deux scènes n’est pas vraiment crédible. D’abord seule l’image a été modifiée, pas le son, et l’on entend donc bien le tuyau se planter dans l’épaule de la femme alors qu’il se contente de rebondir. Et puis le personnage se retrouve tout de même cloué au container, comme par une force invisible. Pour un peu, ça ressemblerait presque au travail d’une intelligence artificielle, capable d’effectuer certaines tâches mais sans forcément comprendre le contexte de la situation…
Une chose est sûre, à l’ère du streaming et du numérique à la demande plus rien ne semble exister sous une forme définitive. Si la pratique n’est en soi pas nouvelle (voir les multiples versions des films de la saga «Star Wars», les différents montages de «Blade Runner» ou de ceux d’«Apocalypse Now»), il est désormais extrêmement aisé, pour les studios, d’adapter leur contenu aux modes et aux ordres moraux du moment, voire aux idéologiques prédominantes. Résultat: la notion d’art s’efface encore un peu plus au profit de critères éminemment commerciaux. A voir jusqu’où tout cela nous mènera…