Evènement – Un nouveau coffret anniversaire du «Parrain» époustouflant

Dans la vie, on se retrouve parfois face à des offres qu’on ne peut pas refuser… Un mois après la ressortie, dans certaines salles de cinéma, de la trilogie du «Parrain» dans une version entièrement restaurée et remastérisée en 4K, voici venue l’édition Blu-ray de cette opération chargée de fêter les 50 ans de la sortie du premier film. Et l’on aura effectivement du mal à ne pas succomber à la tentation d’ajouter à sa collection ce splendide coffret (environ 99 francs), rassemblant les 3 films en 4K, HDR10 et Dolby Vision, le tout accompagné d’une quantité impressionnante de bonus.

Au menu? Pas moins de 9 disques pour nous replonger au cœur de cette œuvre colossale, chronique froide et violente d’une famille sicilienne, les Corleone, qui tente de prendre la tête de la mafia new-yorkaise. Chacun des films est présenté à la fois dans une galette UHD (Ultra Haute Définition) et en Blu-ray classique (pour ceux qui ne posséderaient pas – encore – de lecteur ou de téléviseur 4K). Mais le troisième volet étant présenté en 3 versions différentes, il occupe 4 disques à lui seul. Deux sont consacrés à la version initialement sortie au cinéma en 1990 (d’une durée de 2 h 41 min) et à la «director’s cut» de 1991 (rallongée de 9 minutes). Mais on y trouvera surtout le tout nouveau montage rebaptisé «Le parrain, épilogue: la mort de Michael Corleone» (2 h 38). Sorti en décembre 2019, il n’apporte en fin de compte que des changements relativement mineurs, à l’exception de la scène d’ouverture et la scène finale. Ajoutez à ça un disque entièrement dédié aux suppléments et le compte est bon.

Mais avant de nous attarder sur ces bonus, c’est surtout le travail de restauration de l’image, entièrement supervisé par le réalisateur, qui nous a bluffé. On avait bien entendu déjà profité, le mois passé, pour revoir la trilogie sur grand écran (à l’Empire, à Genève, seul endroit en Suisse romande où les films étaient projetés en 4K – et le sont d’ailleurs toujours jusqu’au 29 mars), mais avoir le nez sur son téléviseur et pouvoir faire des arrêts sur image pour admirer les splendides tons sépia de la photo de Gordon Willis reste un luxe assez incomparable.

D’autant plus que cette version 4K, associée au Dolby Vision (qui offre non seulement un HDR beaucoup plus poussé, et donc des contrastes plus riches, mais également une palette de couleurs plus large que celles habituellement proposées en vidéo) permet d’offrir une définition d’un réalisme saisissant. On y découvre des détails insoupçonnés dans les arrière-plans ou sur les costumes, les tons de peau sont plus naturels et le grain d’époque de l’image a soigneusement été conservé, et non pas artificiellement lissé, comme c’est parfois le cas pour les rééditions de «classiques» de l’histoire du cinéma. Bref, un lifting de luxe qui a nécessité pas moins de cinq ans de travail.

Côté son, les puristes seront ravis de pouvoir retrouver – pour la première fois depuis la sortie des films en salles à l’époque – la piste mono d’origine des deux premiers volets. Les dialogues y retrouvent une tonalité et une netteté assez étonnante mais on lui préfère la version remixée 5.1 Dolby TrueHD, réalisée pour l’édition du précédent coffret Blu-ray, en 2007, approuvée par le monteur sonore Walter Murch. La scène arrière a beau y rester très discrète, dans les rares occasions où elle se réveille, le film gagne tout de même en immersion.

Pour ce qui est des bonus, beaucoup sont issus de l’édition 2007. On retrouve ainsi le documentaire retraçant la bataille de Coppola pour imposer sa vision du best-seller de Mario Puzo, ainsi que ses choix de casting, ou encore cet autre document revenant sur les nombreuses influences que la saga a laissé dans l’histoire du cinéma et de la télévision. Mais d’autres sont inédits et reviennent principalement sur le fabuleux travail de restauration effectué pour cette nouvelle édition. On y apprend non seulement que les technologies pour nettoyer les défauts ou vieillissement de la pellicule ont bien évolué depuis 2007, mais que des bobines en meilleur état de conservation ont surtout depuis été retrouvées, et donc utilisées pour améliorer encore certains aspects du film. Francis Ford Coppola a également enregistré une petite présentation pour chacun des longs métrages.

Quant à ses commentaires, à écouter tout au long des films, ils datent eux aussi de l’édition 2007 mais restent passionnants. Sur le premier volet, le cinéaste rappelle notamment à quel point le tournage était tendu, lui qui s’attendait à être remercié par la production à tout moment.

Il livre aussi toute une série d’anecdotes pas forcément connues de toutes et de tous: Marlon Brando qui se collait des post-it sur le front marqués d’un «Fuck You!» quand il était filmé de dos pour intimider – encore un peu plus – les acteurs à qui il donnait la réplique; la petite histoire de la scène d’introduction, que Coppola n’avait à l’origine pas prévue; ou encore le bras de fer qu’il avait entamé avec Robert Evans, le patron du studio Paramount Pictures, au sujet de la musique de Nino Rota, que ce dernier détestait et voulait remplacer. «Vous pouvez toujours me licencier et ordonner ensuite à mon successeur de changer la musique, lui aurait rétorqué Coppola à quelques semaines de la sortie du film, mais il va vraiment falloir me virer d’abord». Avant qu’une projection test auprès du public ne fasse heureusement pencher la balance du côté de Coppola.

On regrette juste de ne pas trouver en bonus la mythique version télé des deux premiers volets, diffusée en 1984 sur Antenne 2, en 4 parties. Elle avait beau avoir le défaut de ruiner toute l’habile construction temporelle du «Parrain II», puisqu’elle replaçait toutes les scènes des deux films dans l’ordre chronologique, mais elle avait l’énorme avantage d’offrir quantité de scènes inédites (près de 75 minutes au total). La reverra-t-on un jour?

Question packaging, l’Europe a opté pour un coffret dépliant en 5 volets pour rassembler les 9 disques, contrairement à la version américaine qui, elle – à charte graphique identique – propose 4 boîtiers indépendants (un pour chaque film, plus un pour les bonus) rassemblés dans une grande boîte. On aurait tendance à préférer cette dernière édition, plus pratique à manipuler et offrant plus de place pour les illustrations, mais le boîtier européen est finalement très bien exécuté.

Enfin, puisqu’on évoquait en introduction ces offres qui ne se refusent pas, signalons que d’ici à quelques semaines (à partir du 28 avril), la plateforme de streaming Paramount+ mettra en ligne la série «The Offer», qui retracera, sous forme de fiction, les coulisses chaotiques du tournage du premier film de la saga. Preuve que cette dernière, cinquante ans après ses débuts, reste définitivement indémodable.