PiratageL’Uni de Genève améliore la lutte contre les vols de données
Des scientifiques ont découvert comment crypter très efficacement et rapidement les informations, que ce soit pour les échanges bancaires ou les vidéos conférences.
Acheter un billet de train, réserver un taxi, se faire livrer un repas: autant de transactions effectuées quotidiennement via des applications mobiles. Celles-ci se basent sur des systèmes de paiement impliquant un échange d’informations secrètes entre l’utilisateur et sa banque. Ainsi, la banque génère une clé publique, qu’elle transmet à son client, et une clé privée, qu’elle garde secrète. Avec la clé publique, l’utilisateur peut modifier l’information, la rendre illisible et l’envoyer à la banque. Grâce à sa clé privée, la banque peut la décrypter.
C’est ainsi que cela fonctionne, mais ce système est désormais menacé par la puissance de calcul des ordinateurs quantiques, capables de déjouer cette sécurité. Pour lutter contre des vols de données, la cryptographie quantique est la meilleure option. Elle permet à deux parties de produire des clés secrètes partagées et de les transmettre grâce à des photons, via fibre optique, de manière ultra-sécurisée.
Toute intrusion est détectée
En effet, les lois de la mécanique quantique stipulent que toute modification à une partie du système affecte l’état du système mesuré. Ainsi, si un espion tente de mesurer les photons pour voler la clé, l’information sera instantanément altérée et l’interception révélée.
Mais pour l’instant, la cryptographie quantique est notamment limitée par la vitesse des détecteurs de photons uniques, utilisés pour réceptionner l’information. Après chaque détection, ils doivent en effet récupérer durant une trentaine de nanosecondes, ce qui limite le débit des clés secrètes à environ 10 mégabits par seconde. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), dirigée par Hugo Zbinden, professeur associé au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences, est parvenue à repousser cette limite en développant un détecteur avec des meilleures performances. Ces travaux ont été menés en collaboration avec l’équipe de Félix Bussières de la société ID Quantique, spin-off de l’université.
«Actuellement, les détecteurs les plus rapides pour cette application sont les détecteurs de photons uniques à nanofils supraconducteurs», explique Fadri Grünenfelder, ex-doctorant au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur de l’étude parue dans la revue «Nature Photonics». «Ces dispositifs comportent un minuscule fil supraconducteur refroidi à -272 °C. Si un photon unique le frappe, il se réchauffe, cesse d’être supraconducteur pendant un court instant, ce qui génère un signal électrique détectable. Lorsque le fil redevient froid, un autre photon peut être détecté.»
Utiliser 14 fils au lieu d’un seul
En intégrant non pas un mais quatorze nanofils dans leurs capteurs, les scientifiques sont parvenus à obtenir des taux de détection record. «Nos détecteurs peuvent compter vingt fois plus vite qu’un dispositif à un seul fil», explique Hugo Zbinden. «Si deux photons arrivent dans un court laps de temps au sein de ces nouveaux détecteurs, ils peuvent toucher des fils différents et être détectés tous les deux, alors qu’avec un seul fil, c’est impossible.»
Les nanofils utilisés sont également plus courts, ce qui participe à réduire leur temps de récupération. Grâce à ces capteurs, les scientifiques sont parvenus à générer une clé secrète à un débit de 64 mégabits par seconde sur 10 km de fibres optiques. Ce débit est suffisamment élevé pour sécuriser, par exemple, une visioconférence avec plusieurs participants. C’est cinq fois plus que les performances de la technologie actuelle, sur cette distance.
De très nombreuses applications
En prime, ces nouveaux détecteurs ne sont pas plus complexes à produire que les dispositifs actuels, disponibles sur le marché. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour le transfert ultra-sécurisé de données, crucial pour les banques, les systèmes de santé mais aussi les gouvernements et l’armée. Ils pourront par ailleurs être appliqués dans de nombreux autres domaines où la détection de la lumière est un élément clé, comme l’astronomie et l’imagerie médicale.