AsieArmée de l’air de la Corée du Nord, son maillon faible
Des experts estiment que la flotte des forces aériennes et antiaériennes de l’Armée populaire de Corée est «vieillissante et obsolète».
La Corée du Nord a qualifié mardi sa série record d’essais d’armements, la semaine dernière, de «juste contre-mesure» aux plus grands exercices aériens jamais réalisés conjointement par Washington et Séoul. Pyongyang est particulièrement sensible à ces exercices aériens, car sa propre force aérienne constitue le maillon faible de son armée, selon des experts. Voici ce que l’on sait des forces aériennes et antiaériennes de l’Armée populaire de Corée (APC):
Combien d’avions détient-elle?
Les forces aériennes de l’APC disposent de 900 avions de combat, 300 avions de transport et 300 hélicoptères, selon la dernière évaluation publiée en 2021 par l’Agence américaine de renseignement de la défense (DIA). Mais la plupart de ses avions de chasse et bombardiers, obtenus principalement des Soviétiques et de la Chine, il y a plusieurs décennies, sont obsolètes ou en passe de l’être. Même ses avions de combat les plus performants, des MiG-29 conçus en ex-URSS ont été acquis dans les années 1980, selon la DIA.
Mais en réalité la flotte «active» est «plus réduite», car «une proportion inconnue» d’avions sont au hangar ou hors-service et ne pourront «probablement plus jamais voler», décrit pour l’AFP Joseph Dempsey, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IISS). On pense que la Corée du Nord effectue des rotations de sa flotte «vieillissante voire obsolète» pour la «maintenir en service et aussi préserver sa durée de vie», ajoute-t-il.
Ses pilotes sont-ils bien entraînés?
Le pays «n’a pas la capacité de payer suffisamment de carburant, de couvrir les coûts de maintenance ou de former correctement ses pilotes», ajoute un rapport de 2020 de l’IISS. En l’absence de carburant suffisant, les pilotes cumulent un temps de vol limité et ne peuvent apprendre ou maintenir leur préparation au combat, expliquent des experts. Ils n’effectuent que 15 à 25 heures de vol chaque année, estime la DIA, soit bien moins que la moyenne connue des forces américaines et sud-coréennes.
L’armée de l’air nord-coréenne est tellement en retard qu’elle n’est pas digne d’être «comparée» à celle des autres pays, observe pour l’AFP Ahn Chan-il, spécialiste d’études nord-coréennes. «Il n’est pas exagéré de dire que l’armée de l’air du Nord est une armée de l’air au sol qui ne reçoit presque jamais d’entraînement approprié.»
Pourquoi un tel affaiblissement?
La Corée du Nord se vantait d’avoir «deux fois plus de puissance aérienne» que le Sud dans les années 1970, selon un rapport de 2013 de l’Institut d’histoire militaire de Séoul. L’armée de l’air nord-coréenne, alors puissante, a envoyé de l’aide à Hanoï lors de la guerre du Vietnam, et en Syrie et en Égypte lors de la guerre du Kippour, selon le rapport.
Mais la disparition de l’Union soviétique – une source essentielle de soutien financier et militaire – et la détérioration de son économie ont profondément appauvri la Corée du Nord dans les années 1990. «La Russie a fini par établir des liens diplomatiques avec Séoul, et en partie à cause de cela, Moscou a décidé de ne pas fournir au Nord le type de soutien militaire que les Soviétiques avaient l’habitude d’offrir», explique à l’AFP Chun In-bum, un général de l’armée sud-coréenne à la retraite.
Pyongyang a également été frappé par des sanctions paralysantes contre ses programmes de missiles et d’armement nucléaire, rendant plus difficile encore de trouver des ressources pour développer et maintenir à la page ses forces conventionnelles. «La Corée du Nord a finalement décidé de se concentrer pleinement sur le développement de ses programmes nucléaires», relate le général Chun. Il s’agit d’une décision «stratégique» de Pyongyang, estime aussi le professeur Yang Moo-jin de l’Université d’études nord-coréennes. «La meilleure carte pour la Corée du Nord pour négocier avec le monde est l’arme nucléaire.»
Quel rapport de force face à Washington et Séoul?
Dans l’hypothèse improbable de combats aériens contre la Corée du Sud ou les États-Unis, l’armée de l’air nord-coréenne serait «fortement dépassée», observe Daniel Pinkston de l’université Troy de Séoul. La différence de ressources et de technologie a été mise en évidence la semaine dernière lors des exercices aériens américano-sud-coréens, appelés «Tempête vigilante», qui ont impliqué quelques-uns des avions les plus sophistiqués du monde.
Contrairement aux chasseurs nord-coréens de l’époque soviétique, les pilotes américains et sud-coréens ont volé à bord d’avions de chasse furtifs F-35 ultra-modernes, de bombardiers lourds B-1B à long rayon d’action, d’avions de guerre électroniques et d’avions-citernes de ravitaillement en vol. La semaine dernière, nombre de lancements de missiles nord-coréens ont simulé la destruction de bases aériennes ennemies. «La Corée du Nord considère qu’il est important de frapper et neutraliser les bases aériennes en premier parce que sa puissance aérienne est faible», dit Cheong Seong-chang, chercheur à l’institut Sejong.