Culte - Goldorak revient dans une fulgurante BD

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CulteGoldorak revient dans une fulgurante BD

Le dessin animé de notre enfance avec le fameux robot géant a droit à une suite extraterrestre en 136 pages. On en parle avec le dessinateur Denis Bajram. Go!

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Nous étions sans doute nombreux à rêver d’une suite de «Goldorak». Apparu à la télévision française en 1978, le dessin animé a eu un impact monumental sur les enfants mais aussi sur la société, avec notamment des critiques sur une prétendue violence des images. Plus de quarante ans plus tard, le formidable robot des temps nouveaux – comme le chantait Noam dans l’un des génériques – est de retour non pas dans une nouvelle série venue du Japon mais dans une BD créée, scénarisée et dessinée par des Français.

L’aventure a commencé en 2016 déjà quand Xavier Dorison a envoyé à Go Nagai, créateur de Goldorak, un dossier présentant son projet. À cinq – avec les trois dessinateurs Denis Bajram, Brice Cossu et Alexis Sentenac ainsi que le coloriste Yoann Guillo – ils ont ensuite abattu un travail monumental sur 136 pages. Le style de dessin est à la fois fidèle à l’œuvre originale et plus adulte et parvient à retranscrire de manière impressionnante les mouvements cultes comme la métamorphose d’Actarus et les différentes attaques de son robot. L’histoire, plutôt sombre, n’a rien d’une suite de batailles contre des Golgoths mais s’intéresse avant tout aux états d’âme du prince d’Euphor et à des défis qui font écho à notre monde d’aujourd’hui.

Denis Bajram, auteur d’«Universal War One» – qui doit être adapté en série TV –, a été le coordinateur artistique de tout le projet. Il nous parle de cette fulgurante BD «Goldorak» à acquérir de toute urgence.

«Goldorak» est mythique, presque intouchable. Comment avez-vous obtenu les droits pour reprendre ce personnage dans une BD?

L’idée de faire une suite vient de Xavier Dorison, qui m’a trouvé, et moi je suis allé chercher Brice Cossu et Alexis Sentenac. Nous avons alors monté un dossier que nous avons envoyé à Go Nagai, le créateur de Goldorak, et nous avons reçu un «oui» quinze jours après. Nous ne savons pas exactement ce qu’il en a pensé mais on nous a dit que, pour le Japon, c’était une réponse très rapide. Ensuite, il y a eu un suivi méticuleux de la part de son équipe. Une version traduite en japonais doit encore sortir.

S’il y a bien un pays d’où pouvait venir un projet comme celui-ci, c’est la France, grande fan de Goldorak.

En Italie aussi, c’était la folie à l’époque. Mais c’est vrai qu’en France Goldorak est aussi connu qu’Astérix, alors qu’au Japon c’est un personnage secondaire. Quand nous avons préparé le dossier, nous avons découvert que Noam avait vendu 4 millions de 45 tours de son générique en 1978. Alors, nous nous sommes dit que nous pouvions bien avoir 40 000 lecteurs!

Pourquoi faire une suite du dessin animé?

C’est la nostalgie du petit garçon de 8 ans qui nous a portés. Il n’était pas question de faire un reboot, assez naturellement nous avions envie de nous amuser avec les jouets. Il y a aussi le fait que nous avions mal vécu la fin de «Goldorak»: il y avait un sentiment d’abandon. Xavier (Dorison) voulait faire une fin qui nous fasse oublier ce sentiment. Par contre, il était impossible de reprendre l’histoire juste après. Il fallait que Goldorak ait manqué aux protagonistes. Il fallait aussi montrer qu’après une guerre beaucoup de gens ne s’en remettent pas totalement.

Le coup de crayon est différent de celui de la série mais on retrouve les traits de visages des personnages. Pourquoi ce choix?

C’est le dessin animé dont nous nous souvenions. Mais nous ne pouvions pas passer non plus à côté des quarante ans d’histoire du manga qui se sont écoulés. Sur la BD, nous avons consacré trois ans au dessin mais nous avions envie que tout paraisse naturel. Le meilleur compliment qu’on puisse me faire c’est qu’on ne dirait pas qu’il y a eu autant de travail dessus.

Pourquoi avoir travaillé à trois dessinateurs sur cette BD et comment avez-vous réussi à faire la synthèse de vos styles?

Je ne me sentais pas de travailler à la fois sur l’histoire et sur le dessin. D’autant plus qu’il fallait respecter la culture manga, ce que moi je n’ai pas mais Brice (Cossu) oui. De plus, je fais de la science-fiction très réaliste. Alexis (Sentenac) était également complémentaire. Nous avons tout dessiné ensemble et aujourd’hui nous ne savons même plus qui a fait quoi. Nous avons collaboré en ligne dans un atelier virtuel. Et quand il faut dessiner 10 000 fenêtres de Tokyo, je peux vous dire que c’est très agréable de pouvoir partager des bêtises!

La première apparition de Goldorak prend une double page. L’effet est sensationnel pour le lecteur. C’était le même pour vous?

Oui! Nous étions en quête d’émotion, et si ça ne le faisait pas ce n’était pas la peine de continuer. Quand Yoann Guillo a mis la couleur, il y a eu un grand «ouah». J’ai pris mon pied très souvent dans cet album, à dessiner des soucoupes mais aussi des scènes toutes simples dans le ranch du bouleau blanc. En outre, il y a plein de clins d’œil destinés aux connaisseurs mais que je ne vous révélerai pas.

La BD donne à lire une histoire beaucoup moins manichéenne que ne l’était le dessin animé.

Pas forcément. À la fin du dessin animé, le Grand Stratéguerre était beaucoup plus complexe. C’est la saison 1 qui était manichéenne et même sexiste. Mais la série avait déjà un côté moderne, en traitant par exemple de l’écologie. Actarus est un réfugié. Ceux de Véga recherchent une nouvelle planète et ce n’est pas sympa ce qui leur arrive. Avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui, nous devions à notre tour faire passer un message sur les problèmes d’immigration. Dans la série, on voit Actarus qui joue de la guitare le matin et va tuer des Golgoths le soir. C’est en totale contradiction. Quand la guerre est terminée il ne peut qu’y avoir un traumatisme, et c’est ce que nous avons voulu traiter.

Il y aura une suite à cette BD «Goldorak»?

Nous avons l’impression d’avoir gravi l’Everest. Et on ne fait pas deux fois l’Everest.

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