TensionsLe Canada contraint de rapatrier 41 diplomates basés en Inde
Depuis que le Canada a évoqué l’implication possible de l’Inde dans l’assassinat d’un leader sikh en juin près de Vancouver, les tensions sont fortes entre les deux pays.
Le Canada a annoncé jeudi avoir été contraint de rapatrier 41 diplomates basés en Inde après la menace de New Delhi de retirer leur immunité diplomatique en pleine crise entre les deux pays.
Les relations indo-canadiennes se sont dégradées en septembre lorsque le premier ministre Justin Trudeau a évoqué l’implication possible du gouvernement indien dans l’assassinat d’un leader sikh en juin près de Vancouver. Des accusations aussitôt qualifiées d’«absurdes» par le gouvernement indien qui avait récemment demandé le départ de diplomates canadiens.
«Situation sans précédent»
«Nous avons pris la décision d’organiser le départ de 41 diplomates et de leurs familles», dont l’immunité diplomatique avait été révoquée par l’Inde, a déclaré la ministre des Affaires étrangères canadiennes Mélanie Joly. Parlant d’une «situation sans précédent» et d’une «violation du droit international», la ministre a toutefois précisé que le Canada n’avait pas l’intention de répliquer en révoquant l’immunité de diplomates indiens, afin de ne pas «aggraver la situation».
«Si nous acceptons cette façon de faire, aucun diplomate, ou qu’il soit, ne sera en sécurité sur la planète. C’est pour cette raison que le Canada ne prendra pas la même approche que l’Inde», a-t-elle ajouté. Elle a précisé lors d’une conférence de presse que 21 diplomates canadiens restaient en fonction sur le sol indien.
«Le Canada continuera à défendre le droit international, qui s’applique à toutes les nations, et poursuivra son dialogue avec l’Inde. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de diplomates sur le terrain et nous devons nous parler», a-t-elle ajouté. En Inde, les services dans les consulats à Chandigarh, Mumbai et à Bangalore ont été interrompus, a précisé le ministre de l’Immigration Marc Miller.
«Crimes haineux»
Les relations entre les deux pays sont pourtant nombreuses avec une forte immigration indienne au Canada. Mais le meurtre de Hardeep Singh Nijjar dans l’Ouest canadien a fait basculer leur relation. Ce dernier a été abattu en juin par deux hommes masqués sur le parking du temple sikh qu’il dirigeait près de Vancouver, en Colombie-Britannique. Il a succombé à ses blessures sur place.
Militant pour la création du «Khalistan», un État sikh indépendant dans le nord de l’Inde, il était arrivé au Canada en 1997 et avait été naturalisé en 2015. Il était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre. Des accusations qu’il niait, selon l’Organisation mondiale des sikhs du Canada, un groupe de défense des intérêts des sikhs canadiens.
Depuis l’Inde a demandé à ses citoyens d’éviter de voyager dans certaines régions du Canada «compte tenu de la multiplication des activités anti-indiennes et des crimes haineux et criminels à connotation politique au Canada». Et le pays a suspendu le traitement de visas au Canada.
Washington embarrassé
New Delhi s’est souvent plaint de l’activité de la diaspora sikhe à l’étranger, notamment au Canada, susceptible selon New Delhi de relancer le mouvement séparatiste grâce à une aide financière massive. Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de l’Inde.
L’État indien du Pendjab, qui compte environ 58% de sikhs et 39% d’hindous, a été secoué par un violent mouvement séparatiste sikh dans les années 1980 et au début des années 1990, qui a fait des milliers de morts. Ces tensions diplomatiques sont suivies de près ailleurs dans le monde et notamment par Washington.
Cependant l’affaire est délicate pour les États-Unis, pays voisin et allié historique du Canada, mais qui ont entrepris, sous l’impulsion du président Joe Biden, de se rapprocher à marche forcée du gouvernement indien dirigé par Narendra Modi.