Santé mentaleUne Lausannoise écrit pour affronter ses TOC
En tenant un journal intime durant son séjour comme bénévole en Jamaïque, Eva Droux nous montre comment elle vit avec ses troubles.
- par
- Michel Pralong
Chaque soir, avant de se coucher, Éva Droux vérifie que les six boutons de la cuisinière sont sur zéro, elle pose ensuite sa main sur chaque plaque pour être sûre qu’elles sont éteintes. Elle serre les robinets à fond pour qu’ils ne coulent pas, contrôle que la porte du frigo est bien fermée, puis vérifie que personne ne se cache dans une armoire, même dans un placard de 30 centimètres. Elle débranche tous les appareils électroménagers, s’assure que rien ne repose sur un radiateur. Puis vérifie une nouvelle fois les plaques. Elle vérifie ensuite que personne ne se cache dans le salon ou la chambre à coucher, revérifie les armoires, ferme les deux verrous de la porte d’entrée, appuie trois fois sur la poignée pour être sûr que c’est fermé, vérifie tous les robinets de la salle de bains, regarde qu’il n’y a personne sous son lit. Et va dormir.
Éva souffre de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et ce rituel elle le fait depuis ses 19 ans. Elle en a 32 aujourd’hui. Cette psychologue lausannoise n’a pas que ces «manies». Elle a également des idées obsessionnelles et ne cesse de se parler dans sa tête. Cela lui bouffe sa concentration et, le moindre choix, même d’un sandwich, peut donner lieu à un conflit interne.
Alors, quand elle a eu l’occasion d’aller travailler comme bénévole en Jamaïque, elle a décidé de tenir un journal intime. Pour elle, pour voir comment elle vivait avec ses TOC. Mais une fois cela fait, des proches lui ont conseillé de le publier, ce qu’elle est parvenue à faire.
Écrire, une autothérapie
À la lecture de «Fanfare mentale», certes on découvre les TOC de la jeune femme, on comprend les conflits qui agitent son cerveau, la difficulté de faire des choix. Mais ce n’est pas le centre du livre. On y découvre une expérience à l’étranger, une expérience de liberté, que tout le monde aurait pu avoir. «Parce que finalement, être en Jamaïque m’a permis de vivre beaucoup plus légèrement. J’avais envie de vivre le moment présent et je n’avais plus tellement le goût d’écrire sur mes troubles».
Reste qu’écrire quotidiennement a été pour elle une forme d’autothérapie, qui lui a permis de prendre du recul. Elle espère que ceux qui, comme elle, souffrent de tels maux pourront trouver un peu de réconfort en lisant ce livre, même si elle sait que chaque parcours de vie est différent. Au moins, ils pourraient sentir qu’ils ne sont pas seuls à affronter ce genre de situation. C’est notamment ce à quoi sert également cette Journée mondiale de la santé mentale, qui a lieu ce 10 octobre.
Aujourd’hui, plusieurs années après son expérience en Jamaïque, Éva va mieux. «Je fais toujours mon rituel du soir, avec les plaques et tout le reste, mais au lieu d’y passer 45 minutes, ce n’est que 5. Je suis une thérapie qui me fait beaucoup de bien, même si c’est plus compliqué avec la fanfare dans ma tête». Son entourage comprend également mieux ses particularités, ses difficultés à choisir, «car je parle beaucoup plus librement de mes TOC».
Elle continue à écrire et a reçu quelques retours sur son livre, des remerciements. «Il y a même quelqu’un qui m’a écrit: «Je peux vous comprendre, je me suis parfois reconnu dans le livre. Pour être honnête, j’aurais aimé avoir une amie comme vous au lycée, dit en toute simplicité». Même si je ne sais pas pourquoi il a précisé au lycée», dit-elle en riant.