FOOTBALL – Avec Marcelo Bielsa, l’amour survit aux divorces

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FOOTBALLAvec Marcelo Bielsa, l’amour survit aux divorces

L’Argentin a été licencié par Leeds après une nouvelle déroute contre Tottenham. C’est la fin d’un mariage improbable mais heureux, d’une fusion que le peuple d’Elland Road n’oubliera pas.

Simon Meier
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Simon Meier
Marcelo Bielsa vit le football à sa façon, obsessionnelle et unique. Jamais il n’était resté aussi longtemps dans un club avant son séjour à Leeds.

Marcelo Bielsa vit le football à sa façon, obsessionnelle et unique. Jamais il n’était resté aussi longtemps dans un club avant son séjour à Leeds.

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Les flammes de la passion alimentent les plus improbables foyers; et un beau jour, la baraque part en fumée. Leeds United et Marcelo Bielsa, El Loco et les Mighty Whites, c’était quand même un mariage très osé. Le pire, ou la meilleure, c’est que ça a marché du tonnerre. Entre le fol Argentin et ce monument dégradé du Yorkshire, à qui il a su redonner une fierté, ça a été le coup de foudre. Après trois ans de bonheur intense, huit mois de galère et un naufrage final, la direction du club a mis un terme à l’expérience dimanche.

La veille déjà, après la déroute à domicile contre Tottenham (0-4), qui suivait celles devant Everton (0-3), Manchester United (2-4) et Liverpool (0-6), ça ne sentait pas bon. Dans son style caractéristique, les yeux en bas, le ton monocorde et l’esprit supérieur, Marcelo Bielsa donnait une conférence de presse lunaire.

Question d’un journaliste: «Êtes-vous préoccupé par le fait que les équipes sachent comment battre Leeds?» Réponse lapidaire, à côté: «C’est une interprétation possible.» Relance du journaliste sur la situation du club, dangereux 16e de Premier League, qui n’a pris qu’un point sur 18 possibles. Réponse du mage, sans un regard: «C’est une conclusion que la réalité vous invite à tirer, mais il y a aussi d’autres façons de voir les choses.»

Avec lui, ça flambe et ça déménage

Personne ne verra jamais totalement les choses comme Marcelo Bielsa, à part Marcelo Bielsa. Passionné, obsessionnel, jusqu’au-boutiste insaisissable et effréné, l’Argentin de 66 ans s’est fabriqué un personnage unique - à moins que ce ne soit vraiment lui. On l’adule ou il exaspère, on le vénère ou on le jette. Des fois, souvent, on le vénère et on le jette. D’abord, impossible de lui résister. Ensuite, plus possible de le suivre. Parce qu’il est «too much», Marcelo Bielsa.

Apôtre d’un football total, sans concession, El Loco fascine autant qu’il use. Ses adversaires comme ses propres joueurs. Des Newell’s Old Boys à Lille en passant par le Mexique, l’Espanyol Barcelone, Bilbao ou Marseille notamment , ça a souvent cartonné, mais ça n’a jamais duré longtemps. L’homme fait le plus souvent des passages éclairs - 48 heures à la Lazio, en juillet 2017. Avec lui, ça brûle, ça flambe et ça déménage. A Leeds, Marcelo Bielsa, arrivé à l’été 2018, est resté près de quatre ans en poste, de loin son record en club.

Le peuple d’Elland Road, qui pleure l’éviction de son héros, ne l’oubliera pas. Parce qu’avant cette fin en queue de poisson, il y eut un amour entier, sans condition. Une idylle, une idole. Reprise dans les bas-fonds de 2e division, l’équipe, en forme de tourbillon, a fêté la promotion en Premier League en 2020. A huis clos mais de tout cœur. Marcelo Bielsa avait distillé sa magie et Leeds avait adopté Marcelo Bielsa.

Après une bonne première saison parmi l’élite (9e rang), il y eut la moins bonne qui commençait à être très mauvaise. Le foot a ses règles, on finit par jeter ceux qu’on vénère. L’un des mariages les plus improbables a volé en éclats. Mais que leur amour fut beau!

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