Burkina FasoRenversé vendredi, le chef de la junte a accepté de démissionner
Le lieutenant-colonel Damiba, destitué par un coup d’État au Burkina Faso, a fini par remettre sa démission, afin d’«éviter des affrontements».
Le chef de la junte au pouvoir au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui refusait sa destitution annoncée par un jeune capitaine, a finalement accepté de démissionner dimanche après deux jours de tensions marquées par des manifestations antifrançaises. Son départ était réclamé à Ouagadougou par des centaines de manifestants favorables au capitaine Ibrahim Traoré, 34 ans, qui avait annoncé sa destitution vendredi soir.
À la suite d’une médiation menée entre les deux rivaux par des chefs religieux et communautaires, «le président Paul-Henri Sandaogo Damiba a proposé lui-même sa démission afin d’éviter des affrontements aux conséquences humaines et matérielles graves», indique un communiqué de ces chefs très influents au Burkina Faso.
M. Damiba, qui se trouvait dimanche à Lomé, au Togo, selon des sources diplomatiques régionales, a posé comme condition à sa démission sa sécurité et celle de ses soutiens, ainsi que le respect des engagements à l’égard de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour un retour du pouvoir aux civils d’ici deux ans.
«Éviter une guerre fratricide»
La Cedeao a salué dimanche soir les différentes parties burkinabè pour «avoir accepté un règlement pacifique de leurs différends», et annoncé l’envoi d’une délégation à Ouagadougou dès lundi. Le capitaine Traoré a annoncé dans la soirée avoir reçu le soutien des différents chefs de l’armée en vue de «redynamiser» la lutte anti-djihadiste.
Depuis l’annonce vendredi soir par des militaires emmenés par le capitaine Traoré de la destitution de Paul-Henri Sandaogo Damiba – lui-même arrivé au pouvoir par un coup d’État en janvier -, la tension était vive au Burkina. Le putschiste déchu avait clairement fait savoir qu’il n’entendait pas abdiquer, en dépit des manifestations qui lui étaient hostiles. Il avait appelé samedi les nouveaux putschistes «à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n’a pas besoin dans (le) contexte» des violences djihadistes qui minent le pays depuis 2015.
Dans un discours prononcé devant une trentaine de secrétaires généraux de ministères, le capitaine Traoré s’est excusé pour les militaires qui «ont troublé Ouagadougou» ces dernières heures. «Cela est arrivé parce que certaines choses ne fonctionnent pas bien», a-t-il dit, et «il faut aller vite» pour changer cela, car «tout le pays est en situation d’urgence».
Appel «au calme et à la retenue»
Quelques dizaines de manifestants soutenant Ibrahim Traoré se sont rassemblés dimanche devant l’ambassade de France à Ouagadougou, mettant le feu à des barrières de protection et jetant des pierres à l’intérieur du bâtiment sur le toit duquel étaient positionnés des soldats français, d’autres arrachant des barbelés pour tenter d’escalader le mur d’enceinte du bâtiment diplomatique, a constaté un journaliste de l’AFP. Des gaz lacrymogènes ont été tirés depuis l’intérieur de l’ambassade pour disperser les manifestants.
Dans un communiqué lu par l’un de ses proches à la télévision nationale, le capitaine Traoré, qui se trouvait à ses côtés, a appelé les manifestants à «se départir de tout acte de violence et de vandalisme (…) notamment ceux qui pourraient être perpétrés contre l’ambassade de la France ou la base militaire française» à Ouagadougou. Il a appelé «au calme et à la retenue».
Samedi en fin d’après-midi, deux institutions françaises avaient déjà été prises pour cibles par des manifestants: un incendie s’était déclaré devant l’ambassade de France et l’Institut français à Ouagadougou, et un autre devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso (sud-ouest). Des affirmations sur les réseaux sociaux faisant état d’une protection accordée par la France au lieutenant-colonel Damiba ont contribué à la colère des manifestants pro-Traoré.
Elles ont été formellement démenties tant par Paris que par Paul-Henri Sandaogo Damiba lui-même. Quelques heures avant l’annonce de sa destitution vendredi soir, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté à Ouagadougou pour réclamer son départ, mais aussi la fin de la présence militaire française au Sahel, et une coopération militaire avec la Russie. L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années, particulièrement au Mali et en Centrafrique.