Nucléaire iranienIsraël accuse l’Iran d’avoir franchi «toutes les lignes rouges»
Le premier ministre israélien a chargé l’Iran de ne pas respecter les engagements relatifs à son programme nucléaire. L’ambassadeur d’Iran auprès de l’ONU a dénoncé une «phobie à l’égard de l’Iran».
Le nouveau premier ministre israélien Naftali Bennett a accusé lundi, depuis la tribune de l’ONU, le programme nucléaire iranien d’avoir franchi «toutes les lignes rouges», tandis qu’Européens et Américains ont exhorté Téhéran à laisser les inspecteurs de l’AIEA accéder à un site près de la capitale.
«Le programme nucléaire iranien a atteint un tournant, tout comme notre tolérance à son égard», a déclaré devant l’Assemblée générale de l’ONU M. Bennett, qui a succédé en juin à Benyamin Netanyahou. «Au cours des dernières années, l’Iran a fait un grand bond en avant dans ses capacités de recherche et développement nucléaires, de production et d’enrichissement. Le programme d’armement nucléaire de l’Iran est à un point critique, toutes les lignes rouges ont été franchies», a ajouté M. Bennett.
«Les inspections ont été ignorées. Tous les vœux pieux se sont révélés erronés. L’Iran viole actuellement les accords de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et s’en tire» sans conséquences, a souligné M. Bennett, affirmant qu’Israël «n’allait pas permettre» à l’Iran de se doter de l’arme atomique.
«Accès nécessaire»
Ces déclarations du premier ministre israélien, qui a d’ailleurs qualifié de «boucher» le président iranien Ebrahim Raïssi, interviennent alors que les négociations entre Téhéran et les grandes puissances sont au point mort pour relancer un accord historique de 2015 limitant drastiquement le programme nucléaire iranien en échange d’un allégement des sanctions.
Or Israël, qui avait salué le retrait américain, sous l’administration Trump, de cet accord afin de rétablir des sanctions contre Téhéran, voit d’un très mauvais œil un possible nouvel accord sur le programme nucléaire iranien, que l’Iran affirme être destiné à des fins civiles et non militaires.
L’AIEA a néanmoins conclu le 12 septembre un arrangement avec l’Iran sur l’entretien des équipements de surveillance dans ses installations nucléaires, quelques jours après avoir dénoncé un manque de coopération à ce sujet. Mais l’Agence a déploré dimanche s’être vu interdire l’accès «indispensable» à un atelier de fabrication de composants de centrifugeuses situé à Karaj, près de Téhéran.
Lundi, l’Union européenne et les États-Unis ont pressé l’Iran d’autoriser les inspecteurs de l’AIEA à accéder à ce site qui, selon Téhéran, ne fait pas partie d’un accord récemment négocié.
«Nous appelons l’Iran à fournir à l’AIEA l’accès nécessaire dans les plus brefs délais», a déclaré le chargé d’affaires américain Louis Bono lors d’une réunion, à Vienne, du Conseil des gouverneurs de l’instance onusienne. Si le problème n’est pas résolu rapidement, «nous discuterons dans les prochains jours avec les autres membres du conseil pour décider d’une réponse appropriée», a-t-il dit.
L’UE a «exprimé sa profonde préoccupation». «C’est un développement inquiétant», a-t-elle souligné, enjoignant à l’Iran d’accueillir les inspecteurs à Karaj. Le 23 juin, Téhéran avait affirmé avoir déjoué une opération de «sabotage», qu’il avait imputée à Israël, contre un bâtiment de son organisation de l’énergie atomique «aux alentours de Karaj», et qu’une enquête avait été ouverte.
«Mensonges»
Le président américain Joe Biden s’est dit prêt à réintégrer l’accord et à lever au moins une partie des sanctions que Donald Trump avait rétablies contre l’Iran, mais à condition que Téhéran renoue avec les engagements dont il s’est affranchi pour protester contre la pression américaine.
Dans un entretien accordé début septembre à la revue «Foreign Policy», le ministre israélien de la Défense Benny Gantz s’était dit prêt à «accepter» l’approche de l’administration Biden, tout en appelant à des sanctions économiques, voire des actions militaires contre Téhéran, si cette stratégie échouait.
«Si nous voulons vraiment arrêter (ndlr: le programme de l’Iran de se doter, selon Israël, de l’arme atomique) (…), nous pouvons l’emporter, et c’est exactement ce que nous allons faire», a conclu à l’ONU Naftali. Bennett, prévenant que les «mots n’arrêtent pas les centrifugeuses de tourner».
Ambassadeur d’Iran auprès de l’ONU, Majid Takht Ravanchi a réagi au discours du premier ministre israélien dans un tweet lapidaire. «La phobie à l’égard de l’Iran sévit à l’ONU», a-t-il écrit en dénonçant des propos «pleins de mensonges» et en déniant le droit à Israël de parler du programme nucléaire iranien alors que ce pays, selon lui, «possède des centaines d’ogives nucléaires».