Commentaire - «Stop F-35»: un casse-tête démocratique

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Commentaire«Stop F-35»: un casse-tête démocratique

Après le vote serré de septembre dernier, le GSsA et la gauche espèrent retourner le peuple contre l’achat des jets américains. Mais le peuple a déjà voté et le Conseil fédéral a décidé l’achat. Tout risque cependant d’être bloqué.

Eric Felley
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Eric Felley
Le F-35 choisi par le Conseil fédéral lors de sa présentation à Payerne en 2019. La Suisse veut en acheter 36.

Le F-35 choisi par le Conseil fédéral lors de sa présentation à Payerne en 2019. La Suisse veut en acheter 36.

DDPS

Pour les initiants de l’initiative populaire «Stop F-35» lancée ce mardi, l’avion de combat choisi par le Conseil fédéral en juin dernier ne correspond en rien aux besoins de la Suisse. Ils parlent d’un «projet d’acquisition surdimensionné», d’un «gouffre financier», d’un avion pas adapté aux missions demandées ou, enfin, de «jouets militaires de luxe». L’achat de l’avion américain, s’il est contesté par la gauche, trouvera aussi ses détracteurs parmi l’électorat de droite sensible à l’indépendance de la Suisse vis-à-vis des États-Unis. L’issue de l’initiative est donc ouverte.

Le peuple contre le peuple

Le 30 juin dernier, le Gouvernement a annoncé son projet d’acquérir 36 avions de combat de type F-35A de Lockheed Martin. La gauche avait prévenu. Pour elle, le lancement d’une initiative constituerait sa stratégie pour brouiller les cartes et faire jouer le peuple contre le peuple. Car, le 27 septembre 2020, la Suisse avait accepté de justesse le crédit cadre de 6 milliards de francs pour la sécurité aérienne, sans connaître l’avion qui serait choisi. Le Conseil fédéral avait frisé le désaveu pour 8670 voix sur 3,2 millions de votants.

Maintenant, c’est le même peuple qui serait appelé aux urnes pour être, en quelque sorte, retourné à cause de l’origine de l’avion. Le problème est qu’une initiative populaire prend du temps. Avec les dix-huit mois pour la récolte des signatures, le temps de la vérification, le temps de rédiger un message pour le Parlement, de passer dans les deux Chambres, puis les urnes, il faut bien compter quatre ans.

Un effet suspensif

Mais pour l’instant, le peuple a voté pour le crédit et le Conseil fédéral a choisi son avion, qu’il doit soumettre au Parlement lors d’une prochaine session. Entre-temps, il ne fait aucun doute que les initiants de «Stop F-35» auront récolté les 100 000 signatures, et cela très rapidement, afin de créer une sorte d’effet suspensif. Une fois l’initiative déposée, le Conseil fédéral et le Parlement ne pourraient pas l’ignorer et décider de passer commande à Lockheed Martin, au risque de mettre le peuple devant le fait accompli.

Après l’échec du Gripen, décidément, ce n’est pas facile d’acheter des avions de combat dans cette démocratie directe qu’est la Suisse.

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