SurveillanceLa SSR va équiper tous ses véhicules de trackers GPS
Certains collaborateurs craignent d’être surveillés. La SSR se veut rassurante: c’est seulement pour les véhicules, pas pour les gens.
- par
- Eric Felley
Des trackers dans leurs voitures professionnelles? Certains collaborateurs de la RTS ont reçu en fin de semaine dernière une information surprenante. D’ici le 31 août prochain, tous les véhicules de SSR (donc de la RTS) devront être équipés d’un tracker GPS. Le message précise que le service public «a lancé une grande analyse de déplacement de tous ses véhicules en Suisse».
Pour cette opération, elle a mandaté la société Urban Connect, qui fournit le matériel de traçage: «L’appareil doit être connecté à la prise sous le tableau de bord qui sert au garage à programmer l’ordinateur de bord», ajoute le message reçu. Enfin ceci: «Si un tracker n’est pas installé, la société décrétera que le véhicule ne bouge pas et celui-ci sera retiré de la flotte».
Usage privé interdit
Certains collaborateurs comprennent la volonté d’optimiser l’utilisation des voitures et d’identifier des économies possibles, mais ils craignent que le système ne serve finalement qu’à les surveiller. Une petite remarque à la fin du message n’est pas innocente: «Notez aussi que tous les déplacements seront tracés, je vous rappelle donc que toute utilisation d’un véhicule RTS à des fins privées est interdite!»
«C’est un manque de confiance à notre égard, fait remarquer un journaliste, on peut y voir aussi une entorse à la protection de la personnalité». Autre problème soulevé, dans les antennes régionales, les collaborateurs sont de piquet à tour de rôle et utilisent donc des voitures professionnelles dans la perspective de devoir intervenir, tout en menant des activités privées.
Pas de données personnelles
Sibylle Tornay porte-parole de la direction générale, confirme que la SSR a lancé ce projet concernant 170 véhicules principalement utilisés par des journalistes: «Concrètement, il s’agit de collecter des données sur le taux d’utilisation et les distances parcourues par les différents véhicules de transport de personnes, en équipant les véhicules de traceurs. Ce projet est en cours de déploiement, la collecte de données débutera le 1er septembre et durera 12 mois».
Quant aux inquiétudes des employés d’être suivis à la trace, elle les réfute: «La SSR a scrupuleusement veillé à ce que ce dispositif soit strictement conforme à la loi suisse sur la protection des données et au Règlement général européen sur la protection des données. Les données seront utilisées sous forme agrégée et aucune donnée personnelle liée aux conducteurs ne sera traitée».
Des trackers au travail?
Pour Sylvain Métille, avocat spécialisé dans la protection des données et professeur à l’Université de Lausanne, l’utilisation de trackers dans le cadre professionnel fait l’objet d’une réglementation: «De manière générale, l’ordonnance relative à la loi sur le travail (OLT) dit qu’il est interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail».
Cependant, à un autre endroit, cette ordonnance «relativise ce principe en ajoutant que si des systèmes de surveillance ou de contrôle sont nécessaires pour d’autres raisons, ils doivent alors être conçus et disposés de façon à ne pas porter atteinte à la santé et à la liberté de mouvement des travailleurs».
«En aucun cas pour surveiller le personnel»
Mais selon lui, le principe de base est que «des trackers ne doivent pas être utilisés pour surveiller le personnel». Mais, car il y a un «mais», «si l’organisation du travail le requiert (par exemple pour identifier le véhicule le plus proche d’un lieu d’intervention ou du matériel inutilisé à proximité), des trackers peuvent être utilisés. Leur utilisation doit néanmoins être encadrée pour préserver la personnalité des travailleurs, par exemple en permettant de les désactiver hors du temps de travail et en s’assurant qu’ils ne soient utilisés que dans la mesure utile à l’organisation du travail et en aucun cas pour surveiller le personnel».