InterviewVirginie Efira: «Pour «Revoir Paris», j’ai discuté longuement avec un psychiatre»
L’actrice a présenté le film d’Alice Winocour ce week-end au Festival de Cannes. Elle nous a raconté comment elle s’est préparée pour jouer une survivante d’attentat.
- par
- Fabio. Dell'Anna, Cannes
Sur le toit d’un hôtel cannois, Virginie Efira arrive à 11 heures pile ce dimanche 22 mai. Souriante, avec un short noir et une blouse bleue royale, elle enchaîne les interviews avec les médias internationaux. Parfois en anglais, parfois en italien et bien évidemment en français.
L’actrice vient de présenter la veille le film «Revoir Paris» d’Alice Winocour. Un long métrage retraçant la guérison des victimes qui ont survécu à un attentat. «Mon frère était au Bataclan et s’en est sorti. J’ai voulu raconter l’histoire de quelqu’un qui ne voulait pas seulement survivre, mais vivre. Montrer les connexions entre plusieurs mondes qui ne se seraient jamais rencontrés autrement», a déclaré la réalisatrice à l’avant-première du film, dont la sortie est prévue le 7 septembre 2022.
La Belge de 45 ans campe le rôle de Mia. Une traductrice russe qui va voir sa vie chamboulée après une attaque dans un restaurant parisien. Trois mois après le drame, elle revient à Paname pour recoller les morceaux et se souvenir de ce soir tragique, dont elle a tout oublié. Rencontre.
Quels souvenirs gardez-vous de ce 13 novembre 2015?
Tout le monde se souvient de ce jour. Je peux dire où j’étais, avec qui, de la manière dont les événements ont été relatés ainsi que du profond choc que cela a été. Je me rappelle aussi de ce sentiment que l’on ne perçoit plus forcément les choses de la même façon après ce drame.
Comment vous êtes-vous préparée à ce rôle?
Je suis allée voir une personne aidant les gens qui ont souffert de traumas similaires. Il y a différents stades de traumatisme. Il y a quelqu’un comme moi, qui entend que cela peut arriver, et il y a les victimes qui ont vécu le drame sur place. Suite à cela, il y a plusieurs niveaux de choc. Tout dépend de la menace à laquelle on a été exposée et de ce que l’on a vu. Pour mon rôle, j’ai dû comprendre ce qui est cette forme de dissociation que tu peux avoir avec toi-même. L’idée que tu n’appartiens plus tellement au monde. J’ai aussi étudié le fonctionnement de la mémoire traumatique. Je me suis basée sur des témoignages et sur ma perception.
Avez-vous rencontré des victimes?
Non, aucune. Il y a beaucoup de bonnes émissions radio et de documentaires. Le psychiatre dont je vous ai parlé a vraiment été d’une grande aide. Comme la réalisatrice a réellement vécu cette histoire, je voulais que ce soit porté par son récit. Le film est très intime et non généralisé ou historique. C’est une fracture personnelle.
On retrouve aussi cette thématique dans la série «En thérapie» ou dans les films «Amanda» et «Novembre». Est-il important que la fiction traite ce genre sujet?
Bien sûr. Les films peuvent vous expliquer le monde à travers des émotions. J’ai toujours été surprise que le cinéma français ne s’empare pas plus du sujet. Si on compare avec les Britanniques, ils n’ont aucun problème à traiter des thématiques politiques, sociaux et historiques. Il y a un réel besoin. Le fait que ce long métrage répond à une thématique manquante dans le septième art en France rend ce projet encore plus beau. Il est presque pudique et se devait d’être raconté. Je n’ai aucun souvenir d’un film qui laisse la place de cette manière à une personne qui a vécu un attentat.
La scène de l’attentat est très intense dans le film. Était-elle aussi forte pour vous sur le plateau?
Évidemment. D’abord, car on convoque des émotions pour y croire. Elle a un certain réalisme aussi avec de vrais bruits de kalachnikovs. Certains figurants disaient: «C’est comme si on y était.» Je leur ai vite répondu que non. Nous, on n’y était pas. Juste après il y a un catering et on peut manger un truc. Cela n’a rien à voir avec le fait de le vivre.
Quelle était l’idée derrière le look du personnage qui est souvent avec une veste en cuir et sa moto?
C’est pour donner au personnage une sorte de force. Sa vulnérabilité est évidente par rapport aux événements. Alice Winocour ne voulait pas quelqu’un qui s’apitoie sur son sort. Elle imaginait une personne solide. Évidemment, c’est une victime, mais qui a une sorte de carapace. La moto permet aussi de voir Paris d’une manière différente. C’est une question d’esthétique.