FranceQuatre ans de prison pour le meurtre de son mari violent
Dans le Pas-de-Calais, une femme qui avait tué son mari violent a écopé, vendredi, de quatre ans ferme. «Une peine mesurée, qu’elle accepte», a dit son avocate.
«Je pense l’avoir tué»: la Cour d’assises du Pas-de-Calais a condamné, vendredi, une femme à quatre ans de prison ferme pour le meurtre de son mari violent, sans que les débats n’aient permis d’établir scientifiquement les causes du décès.
Magistrats et jurés ont reconnu l’accusée coupable, écartant «l’état de légitime défense». Ils l’ont également condamnée à cinq ans de suivi sociojudiciaire, assorti d’une injonction de soins. «C’est une peine mesurée, que madame accepte. Cela lui permettra de reprendre sa vie en main et passer par autre chose», a réagi son avocate, espérant qu’elle «puisse sortir dans un an» grâce aux réductions de peine.
Avec la rallonge du fer à repasser?
En avril 2015, le corps du mari, 49 ans, était découvert sur le lit conjugal: mort depuis une quinzaine de jours, il était en état de putréfaction. Sa femme, 47 ans au moment des faits, était restée cloîtrée avec lui au domicile. Elle avait affirmé l’avoir étranglé avec la rallonge du fer à repasser, alors qu’il essayait de l’étouffer avec un oreiller.
Pendant trois jours, la Cour a retracé le parcours du couple, de sa rencontre aux «premières claques» et jusqu’à «l’enfer des derniers mois». Elle a écouté témoins et experts évoquer les coups, humiliations et brimades subies par une femme «soumise, dépendante affective». «Près d’un quart de siècle» de violences, a reconnu, lors des réquisitions, l’avocat général.
Neuf ans réclamés
Mais si, «dans ce dossier, tous sont derrière l’épouse, y compris dans la propre famille du défunt», dont aucun membre ne s’est porté partie civile, «il vous faudra fixer le prix de la vie d’un homme», a-t-il lancé aux jurés, réclamant neuf ans de prison.
Le jour du drame, lorsqu’il a essayé de l’étouffer, la femme a réussi à se dégager, pour attraper le câble. «Elle aurait pu prendre la fuite, aller dans la salle de bains pour appeler les secours», a jugé l’avocat général, arguant aussi d’un manque de «traces» objectives de l’attaque «dont elle aurait été victime».
Circonstances très floues
Mais depuis mercredi, la Cour peine à déterminer les circonstances du drame. Car les constatations de l’autopsie ne sont «pas compatibles» avec une strangulation à l’aide d’un câble. Des analyses complémentaires n’ont non plus pas permis d’identifier de lésion traumatique expliquant la mort. «On se trouve avec un cadavre en décomposition, il n’y a rien à voir», a tranché, vendredi, l’avocat général.
«Je pense l’avoir tué, mais je me demande si c’est vraiment arrivé», avait dit l’accusée mercredi.«On vous trompe quand on vous dit que l’état de putréfaction aurait caché» les lésions, il n’y en avait «ni à l’extérieur, ni à l’intérieur du corps», a plaidé l’avocate de l’accusée. «On a quatre hypothèses, toutes compatibles» avec les expertises médico-légales: l’accusée aurait pu «étouffer son mari avec un oreiller», ou «l’étrangler un peu, au point qu’il se mette à somnoler, puis le finir avec l’oreiller», a avancé l’avocate de la défense.
Faux souvenirs
Elle aurait encore pu «l’étrangler, mais pas suffisamment fort, et que monsieur fasse un malaise». Reste la dernière hypothèse, que «rien ne permet d’écarter», selon l’avocate: «monsieur a fait un malaise cardiaque», seul. Pour l’épouse, le monde s’est «écroulé». Elle peut se dire «Est-ce que je ne l’ai pas tué, moi qui suis toujours à l’origine de tous les maux, moi qui l’ai tellement voulu?»
En littérature scientifique, «la notion de faux souvenirs existe», a insisté l’avocate. L’épouse était battue, humiliée, «réveillée la nuit en lui arrachant les cheveux, abandonnée comme un chien au bord de l’autoroute», surveillée en permanence, par un homme «colérique, dominateur, bourreau», a-t-elle rappelé. «Monsieur a tué madame socialement, professionnellement», il lui «a tout pris, jusqu’à sa dignité», a lancé l’avocate.