PrésidentielleZemmour pourrait s’immiscer dans le duel Macron-Le Pen
Alors que l’élection présidentielle française se joue dans six mois, Zemmour pourrait bien faire capoter le duel Macron – Le Pen que tous les sondages prédisaient au second tour.
À six mois de la présidentielle, l’irruption du trouble-fête Eric Zemmour dans la course à l’Élysée sème le doute sur le remake annoncé du duel de 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
Près d’une trentaine de candidats se bousculent sur la ligne de départ, dont une partie seulement obtiendra le précieux sésame des 500 parrainages pour l’élection à la présidence de la République, prévue le 10 et 24 avril prochains, même si Emmanuel Macron et Eric Zemmour ne se sont pas encore officiellement déclarés.
Macron toujours au second tour
À ce stade, les sondages confirment les uns après les autres la présence d’Emmanuel Macron au second tour, quelles que soient les configurations, et pratiquement tous le donnent à nouveau vainqueur. En revanche, la présence de Marine Le Pen au second tour est en perte de vitesse.
«Toutes les enquêtes démontraient jusqu’à présent que les Français avaient décidé de remettre les deux challengers de 2017 face à face et que le match Macron-Le Pen se rejouerait avec des équilibres un peu différents», explique à l’AFP, le politologue Pascal Perrineau, professeur à Sciences Po, pour qui l’ordre qui semblait «immuable depuis 2017 est en train d’être bouleversé».
Zemmour fragilise Le Pen
Le responsable de ce chamboulement n’est autre qu’Eric Zemmour qui ne cesse de monter dans les sondages, l’un d’eux l’ayant même placé cette semaine pour la première fois au second tour avec 17 à 18% des intentions de vote, derrière Emmanuel Macron (24 à 27%).
Selon Frédéric Dabi, directeur du pôle opinion de l’Ifop, Marine Le Pen apparaît désormais «relativement fragilisée» par la candidature d’Eric Zemmour, qu’il présente comme «un poison lent qui infuse dans une partie de l’électorat du Rassemblement national qui avait déjà des doutes sur la candidate du RN après sa campagne au second tour en 2017», quand elle avait raté son débat face à Emmanuel Macron.
«Eric Zemmour apparaît comme un homme qui n’est pas du sérail, qui n’appartient pas à la classe politique et qui incarne assez bien le dégagisme. Il en joue, il en surjoue et en rejoue encore», estime Pascal Perrineau, pour qui l’entrée en scène du polémiste n’est pas sans rappeler certains aspects de la candidature hors parti du président sortant en 2017.
«Cela peut se dégonfler. Mais pour l’instant, en deux semaines, quel changement de perspective et quel désordre!", s’exclame le politologue.
Ticket plus accessible
Résultat: sous l’effet Zemmour, le ticket d’entrée au second tour devient plus accessible: «Avec une offre électorale morcelée, il baisse automatiquement», constate Frédéric Dabi qui rappelle que Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour le 21 avril 2002 avec 16,8% des suffrages.
Cette baisse du ticket pourrait-elle profiter à d’autres candidats qu’Eric Zemmour? Comme la droite ne désignera son candidat que début décembre, il est difficile de tirer des conclusions pour l’instant, mais les sondages placent Xavier Bertrand en embuscade derrière Marine Le Pen et Eric Zemmour.
Pour Pascal Perrineau, rien n’est donc joué y compris au second tour: «Des sondages montrent que Xavier Bertrand pourrait battre Emmanuel Macron s’il accède au second tour», souligne-t-il.
Les militants ne désigneront pourtant leur candidat que le 4 décembre parmi Xavier Bertrand, s’il accepte de s’y soumettre, Valérie Pécresse, Michel Barnier ou encore Éric Ciotti. «LR n’a pas perdu, mais attendre le 4 décembre, ça ne peut que renforcer une certaine fébrilité du peuple de droite qui ne veut ni de Zemmour ni de Le Pen», explique Frédéric Dabi.
Quant à la gauche, dont les nombreux candidats ne décollent pas pour l’instant dans les sondages, elle court le risque de connaître un «troisième 21 avril», en étant éliminée du second tour comme en 2017 et en 2002, prévient Frédéric Dabi. «On n’a jamais eu un bloc de gauche aussi faible autour de 25-27%.»
Pour Pascal Perrineau, elle est même «en miettes». «Aucun leader n’arrive à exister. On a l’impression qu’en quelques semaines, la gauche a utilisé toutes les stratégies possibles, mais rien ne marche», observe-t-il.