InterviewAnton Mosimann nous a fait goûter l’un des plats préférés du roi Charles III
Le Suisse qui a cuisiné pour Elizabeth II et son fils a accueilli lematin.ch dans son établissement londonien. L’occasion de revenir sur plusieurs anecdotes sur la famille royale.
- par
- Fabio Dell'Anna Londres
C’est dans son restaurant au cœur de Londres qu’Anton Mosimann, 75 ans, nous donne rendez-vous samedi 17 septembre. Le bâtiment de quatre étages ressemble à une chapelle de l’extérieur et à un musée de l’intérieur. Sur les murs, on retrouve de nombreuses photos en noir et blanc du chef en compagnie de célébrités: le pape François Ier, Naomi Campbell, Bill Clinton, Nicolas Sarkozy ou encore Kofi Annan. Le Suisse, qui habite entre la capitale britannique et le canton de Vaud, a aussi quelques affiches du Montreux Jazz Festival qui se marient parfaitement avec l’ambiance chic de l’établissement.
Il nous reçoit au bar, au premier étage. Nœud papillon noir, costume impeccable et un petit sourire derrière sa moustache blanche, il entame la conversation en parlant de son enfance, un verre d’eau à la main. «J’aime dire que je suis né pratiquement sur le sol de la cuisine.» Ses parents étant restaurateurs, Anton Mosimann a toujours voulu suivre le même parcours. À 25 ans, il est l’un des plus jeunes chefs à obtenir le diplôme de Chef de Cuisine. Depuis, les prix et les réservations pleuvent. Quand on lui demande s’il y a un événement pour lequel il a adoré cuisiner, il répond sans surprise: «Il y en a beaucoup, je ne peux pas choisir.» Il pense notamment aux fois où il a cuisiné pour Margaret Thatcher et précise qu’il a confectionné des menus pour sept différents premiers ministres en Grande-Bretagne.
Mais sa plus grande fierté reste d’avoir pu travailler pour la famille royale. L’entretien continue naturellement sur la reine Elizabeth II. Anton Mosimann se confie sur ses meilleurs souvenirs avec la Souveraine avec une pointe de tristesse et beaucoup de nostalgie.
Comment vous sentez-vous ces jours?
Je suis très triste et choqué par la nouvelle. C’était une dame exceptionnelle qui a fait tellement pour la Grande-Bretagne, mais aussi pour le monde entier. C’était une personne respectable et qui respectait tout le monde. Je la connais depuis maintenant plus de quarante ans et je lui ai cuisiné un nombre incalculable de repas.
Vous rappelez-vous du premier repas?
C’était en 1967 à Montréal, elle était venue en bateau pour l’exposition universelle. Elle avait été invitée par le premier ministre de l’époque, Pierre Elliott Trudeau…
Et ensuite, elle vous a directement engagé?
Non. (Rires.) La reine mère venait souvent à midi au Dorchester, à Londres (ndlr: il y a été maître chef des cuisines pendant 13 ans). Elle adorait ma cuisine, car c’était un mélange entre le japonais, l’italien et c’était toujours une nourriture très simple, légère et créative. Après chaque repas, lorsqu’elle retournait à la maison, elle demandait à son chef de me contacter pour lui donner les recettes. La reine Elizabeth II a décidé de venir également, notamment avec des chefs d’États. On se parlait de plus en plus, petit à petit. De plus, avant je cuisinais à domicile pour une célèbre famille pendant quatre ans. La Souveraine venait chaque année en octobre en tant qu’invitée d’honneur avec le prince Philip. Je passais le week-end à leur préparer des menus. Cela nous a permis d’encore mieux nous connaître.
Vous qui l’avez côtoyée plusieurs fois, comment la décririez-vous?
C’était une femme incroyable. Elle était très bien informée sur tous les sujets et n’avait aucun problème à avoir une conversation avec qui que ce soit. Elle était très compréhensive également. J’ai eu la chance d’être décoré Officier de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine en 2004. C’était un moment unique. J’étais ce petit Suisse qui reçoit cette grande distinction. Je n’y croyais pas mes yeux. Sans oublier qu’elle avait un très bon sens de l’humour… Elle le montrait rarement en public, mais toujours dans le privé.
Quel moment avez-vous particulièrement apprécié en sa compagnie?
Après un dîner organisé par la famille mentionnée avant, nous avons tous regardé un film avec Jack Nicholson. Nous n’étions que huit personnes dans le salon. J’étais dans le fond avec mon sous-chef. La reine n’arrêtait pas de rire et de commenter le film, c’était agréable de la voir ainsi.
La reine avait-elle un plat préféré?
Elle aimait l’agneau et le saumon. Elle appréciait manger, mais toujours de petites portions. En revanche, elle refusait d’avoir de l’ail dans ses plats lors des événements publics. En privé, il n’y avait pas de problème.
Et Charles III, apprécie-t-il le même genre de cuisine?
Il aime les choses simples et organiques. Il ne faut pas beaucoup de goûts différents dans l’assiette. Par exemple, l’un de ses plats préférés est mon risotto aux champignons. C’est le meilleur! (Il éclate de rire.) Lady Diana l’aimait aussi particulièrement. Elle est venue ici plusieurs fois avec William et Harry.
Quel est votre avis sur le nouveau roi?
Il est incroyable. Il travaille très dur. Les gens ne voient pas à quel point il se donne au maximum chaque jour. Il collabore avec beaucoup d’associations caritatives. Il aime beaucoup sa ferme aussi où il y passait beaucoup de temps. Tout doit être bio pour lui. Je cuisine pour lui environ quatre fois par mois et il est toujours très gentil. Il m’envoie une lettre de remerciement après chaque réception.
Serez-vous présents aux funérailles ce lundi?
Je ne sais pas encore. Tout est très strict et les places sont limitées. Il y a beaucoup de chefs d’États ainsi que des rois et des reines… Si j’ai la possibilité d’y aller, j’irai.