MigrationEn Suisse, le «visa humanitaire» est en voie de disparition
Sur 4861 demandes reçues en 2021, la Croix-Rouge suisse n’a obtenu que 6 réponses positives auprès du Secrétariat d’État aux migrations.
- par
- Eric Felley
En 2013, la Suisse a supprimé la possibilité de déposer des demandes d’asile dans ses ambassades dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile. Le conseiller aux États Daniel Jositsch (PS/ZH) demande dans une motion «qu’il soit à nouveau possible de déposer des requêtes d’asile auprès des ambassades». Mais la majorité de la Commission des institutions politiques du Conseil des États s’y est opposée la semaine dernière. Un des arguments est que le «visa humanitaire» garantit aux personnes dont la vie est en danger une voie d’accès sûre et légale vers la Suisse.
En réalité, c’est de moins en moins le cas, selon un communiqué diffusé lundi par le site asile.ch. Le visa humanitaire helvétique risque de ne plus exister bientôt que dans les livres d’histoire… L’année dernière, la situation en Afghanistan a pesé sur le nombre de demandes. Sur l’ensemble de l’année, 4861 ont été déposées à la Croix-Rouge suisse. Elle en a soutenu plus d’une centaine, mais seules 6 d’entre elles ont été acceptées. À fin 2021, l’organisation a donc décidé de mettre fin à son service de conseil en matière de visa humanitaire. Selon son rapport 2021: «Afin de ne pas donner de faux espoirs aux personnes concernées». Elle a décidé d’utiliser dorénavant ses ressources dans le domaine du regroupement familial.
3 réponses positives sur 7800 demandes
Dans son rapport, la Croix-Rouge suisse doit constater: «L’exemple de l’Afghanistan a clairement démontré le manque de volonté politique de la Suisse d’accorder des visas humanitaires pour l’accès à la protection internationale». 292 personnes ayant un lien avec la Suisse ont été transportées par avion dans le cadre des évacuations jusqu’à fin août 2021: «Cependant, une fois les évacuations achevées, l’accès à l’instrument était pratiquement impossible. Ainsi, au début du mois d’octobre 2021, le SEM avait reçu 7800 demandes et seules trois d’entre elles ont reçu une réponse positive».
Un taux de réussite déclinant
Dans ce même rapport, la Croix-Rouge suisse fait un bilan de son action depuis 2014. Chaque année elle a soutenu entre 99 et 184 demandes de visas auprès du SEM, mais le taux de réponses positives a «drastiquement» baissé. En 2016, les dossiers présentés par elle avaient un taux de réussite de 51%. En 2020, il est tombé à 22%. En 2021, avec 6 personnes sur plus d’une centaine, c’est de l’ordre du 5%. L’organisation phare de l’humanitaire en Suisse constate à regret: «En raison de l’augmentation des exigences de preuves et d’établissement du profil à risques, l’effort investi dans le soutien et la préparation des dossiers a été toujours plus grand au fil des ans, alors que les résultats positifs ont été toujours plus faibles».
Pour Léa Hungerbüher, directrice du service de défense juridique Asylex: «Il semble que la stratégie de la conseillère fédérale en charge du dossier (Karin Keller-Sutter) soit de ne plus délivrer de visas humanitaires».