CyclismeGino Mäder: «Je suis prêt pour le titre européen!»
Le cycliste bernois (24 ans), 5e du général du Tour d’Espagne, ne se cache pas: il va rouler pour la gagne dimanche (12h30) lors de la course en ligne des championnats d’Europe à Trente (Italie).
- par
- Sylvain Bolt
Gino, vous sortez d’une Vuelta de folie (5e du général, meilleur jeune). Vous reste-t-il de l’énergie?
C’était vraiment difficile. Je n’avais roulé qu’une seule fois ce Tour d’Espagne, l’an passé. Et c’était plus facile car je ne devais pas arriver tous les jours avec les meilleurs à l’arrivée. Cette année, c’était aussi dur mentalement, car il n’y a eu aucune étape où je pouvais décrocher. Même les arrivées au sprint ont été dures dans la tête. Après trois semaines, je n’avais vraiment plus de batterie.
Qu’avez-vous ressenti sur le podium du Tour d’Espagne?
Honnêtement, j’étais tellement fatigué que je n’ai pas vraiment pu profiter de ce moment. J’avais juste envie de rentrer dormir à l’hôtel. Mais trois ou quatre jours plus tard, j’ai pris conscience que j’avais réalisé quelque chose d’assez fou!
Vous étiez censé être équipier, mais finalement vous avez été quasi au niveau de votre leader Jack Haig (3e au général) sur la fin de l’épreuve…
Je savais après le Giro que je voulais rouler sur la Vuelta. Je me suis vraiment entraîné en conséquence. Je voulais être en forme pour soutenir Mikel Landa (ndlr: l’Espagnol, en méforme, a finalement abandonné la Vuelta). Cela n’a pas joué pour lui et on s’est rendu compte que Jack Haig roulait très fort. Donc je me suis mis à son service. Et cela m’a aidé, car j’avais un but chaque jour pour amener Jack le plus haut possible. Cela m’a boosté.
Vous avez lancé une action (un euro reversé à chaque coureur que vous devanciez sur la ligne lors de chaque étape) et vous avez même ajouté 10 euros pour chaque cycliste classé après vous au général. Résultat: 4529 euros versés à une organisation environnementale. Qui va profiter de ce geste?
J’ai fait un appel d’offres sur mon compte Twitter et c’est l’organisation néerlandaise «Justdiggit» qui m’a convaincu. Elle a la mission de reverdir l’Afrique dans les dix prochaines années. Et de planter des arbres pour lutter contre le réchauffement climatique.
D’où vous vient cette sensibilité à la cause écologique?
Nous avons passé plusieurs vacances en famille à Viège dans ma jeunesse. Nous allions sur le glacier d’Aletsch. Mon père nous racontait sa taille bien plus grande à l’époque. Et c’était assez impressionnant de se rendre compte de sa fonte. Le réchauffement climatique est une problématique qui nous pousse à agir!
Après l’année 2020 «Hirschi», c’est l’année 2021 «Mäder» (victoire sur le Giro et le Tour de Suisse). De quoi briguer un rôle de leader dimanche dans la course en ligne des Européens de Trente?
Nous serons co-leaders avec Marc (Hirschi). Il a aussi montré qu’il était en forme sur le Tour du Benelux. Si nous travaillons ensemble, nous avons plus de chances de gagner la course. J’espère pouvoir profiter de mon excellente forme et je ne dirai pas non à un bon résultat. Il va aussi falloir repérer le tracé et analyser qui a les meilleures qualités pour briller. Mais je pense qu’on peut se compléter et se soutenir pour gagner.
Avez-vous parfois souffert d’être relégué dans l’ombre de Marc Hirschi?
Pas du tout. Marc est un immense talent. Dans chaque catégorie, des U19 à l’élite, il a toujours fait partie des cadors. De mon côté, j’ai toujours pris un peu plus de temps. Donc je ne me suis jamais inquiété. Je savais qu’un jour cela allait aussi payer pour moi. Je crois que j’atteins gentiment ce niveau. Nous sommes également très différents. Lui est un spécialiste des classiques, voire des tours d’une semaine. Et j’ai le profil d’un coureur de grands tours, avec des étapes de montagne.
Comment expliquez-vous cette génération suisse dorée?
Nous avons beaucoup d’excellents coureurs. Il y a d’un côté l’effet Cancellara, qui a été notre grande idole et qui nous a poussés. Il nous a montré que c’était possible de réussir en Suisse. Swiss Cycling a également réalisé du gros travail auprès des jeunes. Nous avons pu courir de nombreuses épreuves en U19 et U23, aussi à l’étranger. Et cela a permis de nous mêler aux coureurs internationaux très vite. Enfin, il y a une émulation qui s’est instaurée au sein de cette génération de coureurs.
Les Mondiaux en Belgique suivent les Européens. Mais ce parcours relativement plat dans les Flandres n’est pas taillé pour vous. Allez-vous faire l’impasse?
Je dois encore voir ça avec le sélectionneur national Michael Albasini. Je ne sais pas si je peux être utile à l’équipe de Suisse. Le tracé ne correspond pas à mes qualités, il est trop plat. Cela n’a pas de sens si je suis un handicap pour l’équipe.
Ce dimanche, vous visez le titre de champion d’Europe (12h30)?
Oui. Cela fait quelques semaines déjà que cette course des championnats d’Europe est mon objectif. La Vuelta n’a pas changé mon plan. Au contraire, elle m’a confirmé que j’étais prêt pour le titre européen.
Avez-vous eu suffisamment de jours de repos?
Oui, j’ai fait deux jours sans vélo, j’ai repris l’entraînement mercredi. Là, je ne vais plus trop m’entraîner, juste rester dans le rythme. J’espère être prêt dimanche.
Vous êtes en pleine confiance, avec la certitude aussi d’avoir de la constance sur trois semaines, comme vous l’avez prouvé sur la Vuelta.
Ce Tour d’Espagne a confirmé que je pouvais rouler avec les meilleurs en troisième semaine pour aider mes leaders. Et peut-être aussi, moi-même, un jour, pouvoir être le leader lors d’un grand tour.
Votre statut a-t-il changé au sein de l’équipe Bahrain Victorious?
C’est encore un peu tôt pour le dire. Je ne sais pas encore sur quels tours je serai aligné la saison prochaine. Mais je peux m’imaginer que je puisse être aligné comme co-leader, voire comme leader si ma préparation hivernale est bonne.
Quels sont vos objectifs la saison prochaine?
J’ai le podium du Tour de Suisse dans le viseur.
Vous êtes le cycliste suisse capable de gagner un grand tour dans les prochaines années. Ressentez-vous de la pression?
Non, je ne ressens pas de pression particulière. C’est encore trop tôt, c’est seulement la première fois que je me suis illustré dans un classement général. Il va falloir confirmer cela avant de réellement ressentir cette pression. Mais mon but est de me profiler comme un potentiel vainqueur de grands tours. Il faudra voir l’année prochaine et celle d’après si cet objectif est réaliste.