PhysiqueL’éruption des Tonga a fait sonner la Terre comme une cloche
L’onde provoquée par l’explosion d’une puissance de 10 mégatonnes a fait vibrer l’atmosphère entière, mais à une fréquence trop basse pour être entendue par l’homme.
- par
- Michel Pralong
Le 15 janvier, le volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha’apai a connu une gigantesque éruption. Elle a duré plus de huit minutes et un bruit de tonnerre a été entendu à plus de 800 km. L’explosion a provoqué un tsunami qui a causé des dégâts jusque sur la côte ouest des États-Unis. Mais elle a aussi entraîné des ondes de pression dans l’atmosphère se déplaçant à plus de 1000 km/h. Cette variation de pression a été ressentie jusqu’en Suisse.
La puissance de l’explosion a été estimée à environ 10 mégatonnes d’équivalent TNT, soit 500 fois plus puissante que la bombe atomique larguée sur Hiroshima. Des satellites utilisant des capteurs infrarouges ont pu filmer les ondes, qui se sont propagées et ont fait le tour de la planète en 35 heures.
Selon Kevin Hamilton, professeur en sciences atmosphériques à l’Université d’Hawaï, cette onde a fait résonner l’atmosphère terrestre comme une cloche, «mais à une fréquence trop basse pour être entendue. C’est un phénomène théorisé pour la première fois il y a plus de 200 ans» explique-t-il dans un article publié dans «The Conversation».
Prédit par Laplace
C’est le physicien français Pierre-Simon de Laplace (1749-1827) qui avait prédit qu’il devait exister des ondes qui se propagent uniquement horizontalement et épousent la courbure de la Terre. Ceci parce que les forces de gravité et de flottabilité de l’atmosphère favorisent des mouvements horizontaux de l’air plutôt que les verticaux. Mais ceci est resté purement théorique, jusqu’à l’explosion du volcan Krakatoa en Indonésie en 1833.
L’onde de choc a été observée sur des baromètres du monde entier et les scientifiques ont été capables, quelques années plus tard, de reconstituer la propagation de front de pression après l’éruption. L’onde a fait trois fois le tour du globe
Ces ondes, celles du Krakatoa et du Hunga Tonga, sont des ondes sonores à très basse fréquence. Elles se propagent «lorsque les changements de pression locaux produisent une force sur l’air adjacent, qui s’accélère ensuite, provoquant une expansion ou une compression accompagnée de changements de pression, ce qui à son tour pousse l’air plus loin le long du trajet de l’onde».
Comme une corde de violon
Ces ondes peuvent alors faire vibrer l’ensemble de l’atmosphère terrestre, «un peu comme des ondes se propageant à travers un instrument de musique, comme une corde de violon, une peau de tambour ou une cloche métallique. L’atmosphère peut ainsi «résonner» et «résonne» à un ensemble de fréquences distinctes».
L’existence de ces ondes de la taille d’un continent qui se propagent dans l’atmosphère n’a été prouvée qu’en 2020. Une gigantesque éruption volcanique peut évidemment avoir une forte influence sur elles, mais elles sont tout le temps là et sont excitées par les phénomènes météorologiques, régissant par exemple fortement aux tempêtes. C’est «comme une musique de fond très douce mais persistante», écrit Kevin Hamilton. La compréhension d’un tel phénomène est notamment utilisée aujourd’hui pour détecter des explosions nucléaires lointaines.