Russie – Moscou appelé à «suspendre» la dissolution de Mémorial

Publié

RussieMoscou appelé à «suspendre» la dissolution de Mémorial

La Cour européenne des droits de l’homme a demandé de suspendre la décision de dissoudre la principale organisation de défense des droits fondamentaux en Russie.

L’avocat Ilya Novikov s’est adressé aux médias devant la Cour de Moscou.

L’avocat Ilya Novikov s’est adressé aux médias devant la Cour de Moscou.

REUTERS

Saisie en vertu d’une procédure d’urgence par Mémorial, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a demandé mercredi à Moscou de «suspendre» la décision de dissoudre Mémorial. Elle a appelé le gouvernement russe à suspendre cette décision le temps «nécessaire pour que la Cour examine la demande» de l’ONG.

«La Cour a décidé d’indiquer au gouvernement de la Russie (...) que dans l’intérêt des parties et du bon déroulement de la procédure engagée devant elle, l’exécution des décisions de dissoudre les organisations requérantes devrait être suspendue», indique la CEDH dans un texte transmis à l’AFP et initialement diffusé sur Twitter par l’ONG.

Le Centre des droits humains et sa structure-mère, Mémorial, ont saisi la CEDH en vertu de l’article 39 de son règlement. Celui-ci permet à la Cour d’ordonner des «mesures provisoires» aux 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, dont la Russie, lorsque les requérants sont exposés à «un risque réel de dommages irréparables».

La justice russe a ordonné mercredi la dissolution du Centre des droits humains, au lendemain de l’interdiction de l’ONG Mémorial, des décisions qui ont suscité l’indignation à l’étranger. Malgré le froid glacial, plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées devant le tribunal pour exprimer leur soutien à cette organisation emblématique de l’Histoire contemporaine de la Russie.

Marija Pejcinovic Buric, la secrétaire générale du Conseil de l’Europe, dont la CEDH est le bras judiciaire a évoqué ainsi une «nouvelle dévastatrice pour la société civile», s’inquiétant de voir la Russie «s’éloigner davantage de nos normes et valeurs européennes communes».

Fondée en 1989 par des dissidents soviétiques voulant sauvegarder la mémoire des victimes des crimes staliniens, l’ONG Mémorial s’est imposée ensuite comme un pilier de la société civile, s’attirant les foudres du Kremlin pour son engagement dans la défense des libertés publiques.

Les deux dissolutions prononcées mardi et mercredi marquent le franchissement d’un nouveau palier dans la répression tous azimuts des voix critiques du Kremlin. L’année 2021 a été marquée par l’emprisonnement du principal adversaire du Kremlin, Alexeï Navalny, puis l’interdiction de son mouvement pour «extrémisme», mais aussi la désignation de nombreuses ONG, médias indépendants ou simples individus comme «agents de l’étranger».

Cette qualification, qui rappelle celle d’«ennemi du peuple» à l’époque soviétique, contraint les personnes ou entités visées à se soumettre à de fastidieuses démarches administratives et à mentionner ce statut dans chacune de leurs publications. C’est justement parce qu’elles reprochaient à Mémorial et à son Centre des droits humains d’avoir manqué à cette dernière obligation dans certaines publications que les autorités russes ont obtenu sa dissolution.

Le Centre était également accusé d’avoir fait l’apologie du «terrorisme» et de l’«extrémisme» en publiant une liste de prisonniers contenant les noms de membres de groupes religieux ou politiques interdits en Russie.

«Persécution»

La dissolution de Mémorial International mardi avait suscité une vague d’indignation à travers le monde, le secrétaire d’État américain Antony Blinken dénonçant une «persécution». Pour le directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch Kenneth Roth, «le gouvernement russe ne veut plus tolérer de recensement objectif et honnête de son comportement». «Si ce qu’on voit dans le miroir est trop horrible, la réponse est de changer de comportement, pas de briser le miroir», a-t-il déclaré dans une allocution vidéo mardi.

Des responsables de Mémorial avaient affirmé ces dernières semaines que l’organisation continuerait de travailler d’une manière ou d’une autre même en cas de dissolution.

(AFP)

Ton opinion

3 commentaires