DiplomatieL’ONU appelle à arrêter d’armer les gangs en Haïti
Le Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas allé jusqu’à décider d’un embargo sur les armes en Haïti, comme l’avait réclamé avec insistance la Chine.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté vendredi à l’unanimité une résolution des États-Unis et du Mexique demandant aux États membres de l’Organisation d’interdire le transfert d’armes légères aux gangs sévissant en Haïti, sans aller jusqu’à décider d’un embargo comme l’avait réclamé avec insistance dans la semaine la Chine.
Le texte «appelle les États membres à interdire le transfert d’armes légères et de petit calibre et de munitions à des acteurs non étatiques engagés dans ou soutenant la violence des gangs, des activités criminelles ou des violations des droits humains en Haïti».
La Chine, qui avait réclamé l’imposition d’un embargo sur les armes légères à destination des gangs en Haïti, a estimé que «cette résolution était un avertissement» pour ces derniers. Des sanctions individuelles pourraient être prises dans les 90 jours en vertu de la résolution à l’encontre de leurs chefs, a souligné après le vote l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun.
Le texte aurait «pu être meilleur», a-t-il ajouté, estimant cependant qu’il s’agissait «d’un bon pas dans le bon sens». Tout au long de la semaine, Pékin s’était montré à l’offensive pour durcir le texte proposé par les Etats-Unis et le Mexique, jugé trop mou alors que le pays s’enfonce dans la crise.
Saisie d’armes
La Chine avait ainsi jugé jeudi qu’«un embargo sur les armes contre les gangs criminels était le minimum que le Conseil doive faire en réponse à une situation épouvantable». L’ambassadeur chinois a une nouvelle fois déploré vendredi «le vide du pouvoir» en Haïti, une «situation humanitaire (qui) se détériore» et la «violence des gangs».
Sur le dossier haïtien, Pékin est devenu à l’ONU un acteur de plus en plus important ces dernières années. La raison? Une volonté chinoise de représailles, assurent des diplomates occidentaux, après la reconnaissance de Taïwan par Port-au-Prince. Pékin dément de son côté établir tout lien entre les deux sujets.
Coïncidence ou pas avec les négociations ardues qui se sont tenues sur le renouvellement de la mission politique onusienne Binuh, les autorités haïtiennes ont procédé à une rare saisie d’armes au port de la capitale, Port-au-Prince.
«18 armes de guerre»
L’administration haïtienne des douanes a indiqué jeudi soir avoir, dans le premier des trois conteneurs ciblés, déjà mis la main sur «18 armes de guerre, 4 pistolets de calibre 9 mm, 14’646 cartouches, 140 chargeurs, un viseur et 50’000 dollars américains en faux». Plusieurs mandats d’arrêt ont été émis contre des individus suspectés d’être liés à l’arrivée de cette cargaison en Haïti.
Outre l’absence d’embargo sur les armes, la Chine n’a pas non plus réussi à imposer le lancement de consultations sur l’envoi en Haïti d’une force de police régionale afin de pacifier le pays. La résolution se limite à demander à Antonio Guterres d’étudier avec des pays de la région «les options possibles» pour renforcer la sécurité en Haïti, avec un rapport à remettre le 15 octobre prochain.
Au moins 89 personnes ont été tuées en une semaine dans des affrontements entre gangs à Port-au-Prince, où les prix s’envolent et les carences de carburant s’aggravent toujours davantage, menaçant l’aide humanitaire cruciale pour les habitants. La résolution «exige la cessation immédiate de la violence des gangs et des activités criminelles». Elle reconduit le mandat de la Binuh jusqu’au 15 juillet 2023.
Dans la capitale haïtienne, les habitants se montraient pessimistes vendredi sur la capacité de l’ONU à améliorer la situation. Un étudiant en droit, Fleurant Duceppe, jugeait ainsi que la Binuh avait «failli à sa mission», en échouant à enrayer la hausse de l’insécurité. Cette mission «ne nous est utile en rien. C’est à nous, le peuple, de prendre notre destin en main», déclarait-il à l’AFP.