Jura – Le chemin de la discorde mène des paysans au tribunal

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JuraLe chemin de la discorde mène des paysans au tribunal

Un agriculteur considère comme la sienne une route publique qui passe sur son terrain. Ce conflit jugé jeudi n’est pas terminé.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

Qu’elle est semée d’embûches, la route qui mène à la Petite Schönenberg, un restaurant de montagne situé à 1048 mètres. À Vermes (JU), il est question de «L’affaire Müller», comme s’il s’agissait d’une série policière. Les protagonistes sont des agriculteurs, dont la gérante d’un restaurant de montagne appelé Petite Schönenberg ou Petite Schönberg.

Le conflit lié à un droit de passage dure depuis deux ans. Les Müller considèrent le chemin comme le leur. Ils contrarient le passage des Kohler, sur la seule route d’accès à la métairie. Une pluie de plaintes a mené les protagonistes à Porrentruy, devant la juge unique Marjorie Noirat, au Tribunal de première instance.

Painful Gulch

On est comme dans un Lucky Luke, avec les O’Timmins et les O’Hara qui se font la guerre dans «Les rivaux de Painful Gulch», sauf que dans le Jura, le conflit ne dure que depuis deux ans. «Le Quotidien Jurassien» a planté le décor: «C’est mon terrain, je suis chez moi et je fais ce que je veux», dit un clan… suisse allemand. «Depuis des décennies, quatre générations de ma famille ont emprunté ou utilisent cette route», dit l’autre, jurassien.

À qui appartient le chemin? Cette question n’a pas été clairement tranchée. Entre le marteau et l’enclume, le Syndicat de chemins Envelier – Grande Schönenberg a suspendu ses travaux d’entretien. Un bovi-stop? Les Kohler s’y opposent. Une barrière? Les Müller s’y opposent…

Coupe de bois

À plusieurs reprises, le chemin a été bloqué par une coupe de bois, mais il y a plus grave: un cycliste a lourdement chuté après avoir s’être pris dans deux fils synthétiques tendus sur la route.

L’avocat des paysans agressifs et quérulents a annoncé son intention de faire appel contre le jugement prononcé jeudi: 180 jours-amendes à 30 francs et 5200 francs d’amendes pour Monsieur, 30 jours-amendes à 30 francs et 200 francs d’amende pour Madame, mais avec un sursis de deux ans. S’y ajoutent deux fois 500 francs d’indemnité pour tort moral au cycliste et au paysan lésés, ainsi que 1233 francs pour la commune mixte Val Terbi.

Lésions corporelles

La justice a retenu une entrave à la circulation publique, mais aussi des lésions corporelles, des dommages à la propriété, des menaces et des contraintes. Pour la juge, le couple condamné est «persuadé que la route lui appartient et que personne ne peut l’utiliser», alors que «toute personne a le droit de l’emprunter» sans subir d’entrave. Pourquoi? Parce que la construction et l’entretien du chemin ont été financés par de l’argent public et plusieurs familles d’agriculteurs.

La juge Marjorie Noirat n’a pas tenté de ramener la paix entre deux familles. La paix ne reviendra pas après le jugement d’hier. «Leur attitude ne changera pas», prédit la gérante de la petite Schönenberg.

En sortant du tribunal, l’avocat des Müller a reproché aux Kohler de ne pas avoir refermé derrière eux la barrière d’un champ avec des chevaux, sur le chemin menant au tribunal. Une accusation aussitôt réfutée: «Les barrières, on les referme toujours», disent les Kohler, en se sachant épiés par une caméra de surveillance fixée… dans un arbre.

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