Commentaire – Vladimir Poutine est parti pour une guerre sans retour

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CommentaireVladimir Poutine est parti pour une guerre sans retour

La diplomatie, les manifestations pacifiques ou les appels à la raison sont sans effet. Pour l’écrivain Jonathan Littell, c’est la première fois que Vladimir Poutine ne se laisse aucune porte de sortie. Et ce n’est pas rassurant du tout.

Eric Felley
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Eric Felley
À Genève, quelque 3500 personnes ont manifesté samedi contre la guerre.

À Genève, quelque 3500 personnes ont manifesté samedi contre la guerre.

Comité Ukraine-Suisse

Samedi en Suisse, des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues, répondant à l’appel de nombreuses organisations qui dénoncent la guerre en Ukraine.: «Non à la guerre», «Stop Poutine»… À Zurich, 40 000 personnes ont formé un immense cortège jaune et bleu. Les participants ont demandé un cessez-le-feu immédiat, des négociations diplomatiques, le retrait des troupes russes et des mesures de désarmement.

«Un plan de guerre contre la Russie»

On imagine que le bruit de la rue helvétique n’ébranle guère Vladimir Poutine. Après dix jours d’invasion, on a compris que le chef du Kremlin avait lancé une guerre punitive sans retour et qu’il va s’acharner. Tous ces bombardements, tous ces morts sont la conséquence d’une remise à l’ordre d’un pays, qui glissait hors de la grande Russie vers l’Occident. Il estime que l’Ukraine devrait perdre son statut d’État, signifiant qu’il aurait déjà prévu d’annexer son territoire. Son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov prépare le terrain à d’autres fronts, affirmant à ses compatriotes qu’il existe «un plan de guerre contre la Russie» fomenté par les Occidentaux.

Objectif détruire

À 70 ans, Vladimir Poutine semble obéir à une dernière mission, à un destin qu’il s’est fixé, quitte à mettre à feu et à sang l’Ukraine, pour commencer… Il n’a aucune empathie pour les civils ukrainiens, prétendument frères des Russes, qu’il fait bombarder depuis le Kremlin, ni pour ses propres soldats qu’il envoie à la mort. Il fait tirer aux abords des centrales nucléaires, comme un terroriste qui se promène avec une ceinture d’explosifs. Tant qu’il n’obtiendra pas la reddition du gouvernement et la tête de Volodymyr Zelensky, il s’obstinera à la destruction des villes, comme il l’a fait à Grozny en 2000, lorsqu’il venait d’être nommé premier ministre.

«Droit au but»

«Ce qui arrive à l’est arrivera à l’ouest, si personne ne fait rien», prévient une manifestante de Genève citée par «Le Temps». Combien de temps le conflit se cantonnera à l’Ukraine? Quelle provocation a-t-il dans sa poche pour que les Occidentaux soient forcés d’entrer en guerre? Dans «Le Matin Dimanche» Guy Parmelin, qui l’a brièvement rencontré l’année dernière à Genève, dit que c’est «quelqu’un qui n’aime pas le décorum, qui sait ce qu’il veut et qui va droit au but». La question est de comprendre le but.

Kiev comme Grozny

L’écrivain Jonathan Littell a suivi le parcours de Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir. Il a notamment écrit plusieurs ouvrages sur la guerre en Tchétchénie. «Même si cela nous paraît inconcevable, écrit-il aujourd’hui, je pense qu’il est parfaitement capable de faire à Kiev ce qu’il a fait à Grozny ou à Alep, d’engager son artillerie lourde, ses avions bombardiers et de raser une grande partie de la ville s’il le faut, pour vaincre la résistance ukrainienne. Cette situation est plus qu’atroce, plus que périlleuse».

«Il a abattu toutes ses cartes»

Quant à la question cruciale d’une extension du conflit à l’ouest, Jonathan Littell est hélas pessimiste: «Hier, c’était Alep, aujourd’hui c’est Kiev et moi, ce que je pense très profondément, c’est que si on le laisse faire à Kiev, demain, ce sera chez nous, en Europe. Il semble que son isolement depuis quelques années a sérieusement affecté sa prise de décision rationnelle et de jugement. Là, il a abattu toutes ses cartes d’un coup, donc il ne s’est pas laissé de porte de sortie, ce qui est nouveau pour lui. Avant, il en avait toujours une».

Quant à Vladimir Poutine lui-même, il a déclaré samedi que les sanctions prises contre la Russie «s’apparentent à une déclaration de guerre». Serait-ce déjà le casus belli qui étendra le conflit? «Dieu merci, on n’en est pas encore arrivé là», ajoute le chef du Kremlin. Mais qui veut croire encore à sa parole?

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