Quand les fausses couches créent un vrai désarroi

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SantéQuand les fausses couches créent un vrai désarroi

Sorti en juin aux Éditions Favre, un livre raconte la détresse d’une future mère confrontée à deux morts précoces. Tout en traitant du thème tabou en Suisse.

Eric Felley
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Eric Felley
Une illustration de Kalina Anguelova.

Une illustration de Kalina Anguelova.

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«Ce sera pour la prochaine fois»*, tel est le titre d’un livre sorti le 3 juin dernier aux Éditions Favre. Ce sera pour la prochaine fois, car pour celle-ci, le fœtus n’a pas survécu. L’ouvrage réalisé par les journalistes Cléa Favre pour le texte et Kalina Anguelova pour l’illustration se taille depuis un joli succès en librairie. Ce n’était pourtant pas gagné avec un sujet qui traite d’un thème tabou et a priori peu porteur: la fausse couche.

Deux fausses couches d’affilée

Toutefois, une femme sur quatre se retrouve un jour confrontée à cette pénible réalité. C’est le cas de la narratrice du livre, qui nous fait partager son histoire très intime sous la forme d’un «Journal d’une survie post-fausses couches». Pour la narratrice, dans la trentaine, il est temps d’avoir d’un enfant dans une relation stable avec son compagnon. Elle tombe enceinte, mais hélas, le fœtus décède après 6 semaines et deux jours. Elle doit alors prendre un médicament pour l’enlever, qui lui cause de grandes souffrances. Peu de temps après, obnubilée par son projet d’enfant, elle retombe enceinte. Hélas le fœtus suit le même chemin que le premier. Cette fois c’est le curetage.

La solitude de la mère

Pour celle qui rêve de devenir mère, ses allées et venues chez le gynécologue, ses retours au bureau ou son quotidien sont marqués par une détresse physique et psychique intense, où se mélangent la culpabilité, la rage, le chagrin et la perte de confiance en soi. Page après page, son histoire s’intègre parmi les illustrations réalisées par Kalina Anguelova. Celle-ci crée un «récit visuel», où la grande solitude de la femme est mise en scène avec son corps meurtri et son moral qui se décompose.

Frais médicaux non remboursés

Le journal de cette maternité contrariée est entrecoupé de chapitres consacrés à cette problématique d’un point de vue médical, thérapeutique ou social. La médecine fait la distinction entre les fausses couches précoces jusqu’à 12 semaines et les fausses couches tardives. Le livre parle essentiellement des fausses couches précoces qui font l’objet d’une sorte de tabou. D’ailleurs, l’assurance-maladie de base ne prend en charge les frais de grossesse qu’à partir de 13 semaines. Non seulement la fausse couche est traumatisante pour la mère, mais en plus elle lui coûte cher.

Trois fausses couches avant un examen

D’un point de vue sanitaire, les causes de ces morts précoces sont multiples. Les deux auteures ont fait appel aux compétences de David Baud, chef du Service obstétrique au CHUV de Lausanne pour les éclairer: «Dans la moitié des cas, on ne sait pas, dit-il. Concernant l’autre moitié, c’est un problème de plan de construction du bébé au niveau des chromosomes, de malformations de l’utérus ou de problèmes endocriniens». Le livre nous apprend qu’une femme doit faire trois fausses couches avant d’avoir la possibilité de demander des investigations médicales sur leurs causes.

Ces trois premiers mois de vie restent donc en suspension. La narratrice ironise sur la «sagesse» populaire qu’il vaut mieux attendre trois mois avant d’annoncer à tout le monde la grande nouvelle, au cas où… Au cas où cela serait pour la prochaine fois…

* «Ce sera pour la prochaine fois», Cléa Favre et Kalina Anguelova. Éditions Favre, Lausanne, 2022.

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