Polémique: Crise à Nyon: «Les lanceurs d’alerte n’ont aucune protection en Suisse»

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PolémiqueCrise à Nyon: «Les lanceurs d’alerte n’ont aucune protection en Suisse»

Le licenciement d’une «lanceuse d’alerte» à la Municipalité de Nyon met en lumière l’absence de législation en la matière. Le conseiller national Baptiste Hurni (PS/NE) le regrette.

Eric Felley
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Eric Felley
Pour Baptiste Hurni, les divergences de vues entre la droite et la gauche au Parlement ont fait capoter la création d’une loi protégeant les lanceurs d’alerte.

Pour Baptiste Hurni, les divergences de vues entre la droite et la gauche au Parlement ont fait capoter la création d’une loi protégeant les lanceurs d’alerte.

Patrick Nouhailler’s/Wikimedia Commons/DR

La Municipalité de Nyon a finalement licencié sa secrétaire municipale adjointe, selon une information diffusée par la RTS. Cette collaboratrice avait dénoncé le comportement de son chef, le secrétaire municipal, et provoqué une enquête ainsi qu’un rapport demandé par les autorités nyonnaises. Dans cette affaire, ce nouvel épisode interroge car cette employée, considérée comme une «lanceuse d’alerte», apparaît au final comme la perdante. Alors que le secrétaire général est resté en poste avec un blâme.

La Municipalité se défend

Dans «24 heures» de mardi, le municipal nyonnais Alexandre Démétriadès défend la décision du licenciement, estimant qu’elle n’était pas la seule à avoir dénoncé les agissements du secrétaire: «Si nous avons lancé une enquête administrative pour faire la lumière sur la crise, ce n’est pas à elle seule que nous le devons mais à un faisceau d’éléments». La Municipalité lui a également proposé un autre poste dans un autre service avec salaire équivalent, ce qu’elle a refusé.

Échec au Parlement

Lanceuses d’alertes ou pas, ce statut n’est de toute façon pas protégé en Suisse. «L’employé qui dénonce des irrégularités n’est pas plus protégé qu’un autre, note l’avocat et conseiller national Baptiste Hurni (PS/NE). C’est problématique, car la Suisse est un des derniers pays à ne pas avoir une législation en la matière». Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Au Parlement, le sujet revient depuis une vingtaine d’années. La dernière proposition de Carlos Sommaruga (PS/GE), déposée en 2013, a finalement été enterrée en 2020 après de nombreux va-et-vient entre les Chambres et le Département de Karin Keller-Sutter.

Que le licenciement soit nul

Dans sa version finale, même les socialistes n’en voulaient plus. Le projet ne prévoyait pas de renforcer la protection des collaborateurs licenciés abusivement après avoir donné «une alerte licite». Les concernés auraient continué de toucher une indemnité équivalant à six mois de salaire au plus. «En Suisse, quand vous êtes virés, vous êtes virés, observe Baptiste Hurni. Nous avons un droit très libéral qui n’envisage pas la réintégration. Une protection efficace pour un lanceur d’alerte serait que son licenciement soit nul. Il existe une jurisprudence du Tribunal fédéral qui protège l’employé, mais dans certaines conditions».

Divergence gauche-droite

Baptiste Hurni espère que le sujet pourra revenir au Parlement, mais l’approche entre la droite et la gauche demeure très divergente: «Il y a un point de tension qui se situe au moment de rendre publics les faits, note-t-il. Pour la gauche, le lanceur d’alerte doit informer sa hiérarchie, s’il n’obtient rien, il peut les rendre publics. Pour la droite, le collaborateur est davantage tenu au devoir de fidélité envers son employeur. Tant que les fronts politiques restent ce qu’ils sont, il sera difficile de trouver un compromis. Mais cela n’empêche de continuer à le chercher».


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