Jura bernoisMariages forcés: un droit coutumier
Le procès d’un chef de clan albanais et de ses quatre fils s’est ouvert ce matin à Moutier.
- par
- Vincent Donzé
Visage fermé, tête basse, sans un mot échangé, un père et ses quatre fils originaires du Kosovo accusés de traite d’être humains comparaissent depuis ce matin devant les cinq juges du Tribunal régional Jura bernois – Seeland.
Les quatre épouses étaient mineures quand elles ont été emmenées en Suisse, parfois avec de faux papiers, depuis la Serbie et l’Albanie, entre 2003 et 2015. La plus jeune avait 14 ans, les trois autres 17 ans.
Aide sociale
Coupées du monde extérieur, elles ont eu des enfants et ont servi de domestiques tout en bénéficiant de l’aide sociale. Fait de viols, de coups et de menaces, leur martyre a duré 16 ans. Elles ont aujourd’hui entre 24 et 36 ans. Pendant le procès, grâce à la vidéo, elles ne croiseront pas leurs maris qu’elles ont dénoncés en 2019, après s’être enfuies.
Selon l’acte d’accusation, les violences répétées comprenaient des crachats, des étranglements et des coups de ceinture (jusqu’à vingt) jusqu’au sang, sur une femme enceinte. Les épouses consacraient leur temps au ménage et aux enfants, selon des horaires imposés, chez elles et chez leurs beaux-parents.
Comme des esclaves
Un avocat des victimes a indiqué au «Journal du Jura» que «ces femmes ont été détenues comme des esclaves». «Ce qu’elles ont vécu les marquera à vie». a-t-il ajouté. Le père et ses fils nient les accusations formulées.
Ce procès des mariages forcés marqués par des viols et des maltraitances s’articule autour du kanun, droit coutumier albanais où l’honneur des hommes passe avant le droit des femmes qui ont souvent appris, dès l’enfance, qu’elles ne valaient rien.
Tradition médiévale
Comme le souligne «Le Journal du Jura», ce sont des traditions médiévales dont il sera question à Moutier: dans cette loi transmise oralement, les femmes sont considérées «comme des outres, sortes d’étuis qui mettent au monde des enfants».
Exclues des héritages, ces épouses ne possèdent rien. Selon le kanun, les hommes ont le droit de les battre si elles n’obéissent pas, voire de les tuer si elles les trompent ou veulent se séparer.