24 février: Ukraine: une année de guerre qui a changé la Suisse

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24 févrierUkraine: une année de guerre qui a changé la Suisse

Sanctions contre les Russes, hausse des prix de l’énergie, afflux de réfugiés, rapprochement avec l’UE… En une année, le conflit a bouleversé la vie politique suisse. Tour d’horizon avec trois parlementaires.

Eric Felley
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Eric Felley
Carlo Sommaruga (PS/GE), Laurent Wehrli (PLR/VD) et Nicolas Walder (V/GE)

Carlo Sommaruga (PS/GE), Laurent Wehrli (PLR/VD) et Nicolas Walder (V/GE)

PS/20 minuten/lematin, ch

Le 24 février 2022 l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes a sonné comme un coup de tonnerre dans le ciel paisible européen et helvétique. À peine la Suisse tournait-elle le dos à la pandémie, que l’actualité internationale bouleversait une nouvelle fois sa vie politique. De nombreux domaines de réflexions ont ainsi émergé à Berne: la reprise des sanctions occidentales contre la Russie, la neutralité, le statut des réfugiés, l’augmentation des capacités de l’armée, le rapprochement avec l’UE et l’OTAN, l’approvisionnement énergétique du pays et la question de la réexportation du matériel militaire suisse.

Trois parlementaires - Carlo Sommaruga (PS/GE), Laurent Wehrli (PLR/VD) et Nicolas Walder (V/GE) tous membres de la Commission de politique extérieure - font part de leurs sentiments et analyses sur cette période troublée.

Solidarité européenne et humaine

Pour Carlo Sommaruga, la guerre en Ukraine a provoqué un «changement soudain et radical de l’ordre international avec pour corollaire la visibilité soudaine de notre forte communauté de valeurs avec l’Union européenne que l’on avait oubliée». La réaction de la Suisse a été claire: «La reprise des sanctions de l’Union européenne contre la Russie et la participation à l’accueil des réfugiés ukrainiens en ont été les expressions les plus évidentes de cette solidarité européenne. Au niveau humain, je retiens la grande solidarité du peuple suisse dans l’accueil des réfugiés».

Nicolas Walder (V/GE) se réjouit également de «la grande solidarité avec le peuple Ukrainien victime d’une invasion injustifiée et illégale, ainsi que la démonstration de la nécessité de travailler main dans la main avec l’Union européenne et les autres démocraties». D’une manière plus générale, il estime que cette guerre «a précipité la fin d’un monde économique globalisé trop sûr de lui et nous a rappelé l’impératif d’intégrer nos valeurs liées aux droits humains ou à la démocratie dans le choix de nos partenaires économiques stratégiques». Un brin polémique, il ajoute: «C’est un réveil douloureux pour le Conseil fédéral et la majorité bourgeoise».

Enfin, pour Laurent Wehrli, cette guerre est «le rappel, hélas, que le drame des guerres du monde pouvait aussi avoir lieu à proximité de notre pays, et donc in fine avoir des conséquences très directes dans la vie en Suisse». À l’instar des deux autres, cette situation a montré «combien de valeurs importantes nous partageons avec nos voisins, que ce soit en matière de démocratie ou de respect des citoyens». Il relève également «la magnifique solidarité exprimée par la population suisse dans l’accueil des réfugiés ukrainiens et le soutien massif aux aides humanitaires sur place et dans les pays voisins accueillant ces personnes».

La question énergétique

Pour nos trois parlementaires, la principale conséquence concrète de cette guerre concerne l’approvisionnement énergétique du pays: «La situation nouvelle, constate Nicolas Walder, nous a mis dans l’obligation de devoir repenser nos chaînes d’approvisionnement en raison de la folie d’un autocrate avec lequel, jusque-là, nous collaborions sans aucune retenue, ni égard vis-à-vis des victimes des violations répétées des droits humains en Russie. Nous devons continuer à travailler activement à des économies d’énergie afin que l’hiver prochain ne fasse pas l’objet de risques de pénuries».

Pour Carlo Sommaruga, cette situation a finalement accéléré la réflexion autour de la transition énergétique: «Au niveau politique, l’agression russe contre l’Ukraine a montré notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles importées et l’urgence de développer l’énergie renouvelable domestique». Cependant, il regrette que cela s’accompagne d’une dérive militariste: «Cette guerre a aussi servi de prétexte pour relancer massivement les dépenses militaires et tenter d’assouplir la loi sur l’exportation du matériel de guerre».

Une deuxième année de guerre?

Si l’on s’en tient aux déclarations de Vladimir Poutine ou de Joe Biden, les hostilités en Ukraine sont appelées à durer durant l’année 2023 et peut-être au-delà. Laurent Wehrli voit un certain nombre de questions qui continueront à se poser pour la Suisse. Celle de la neutralité est loin d’être réglée: «Sa définition en droit international est une question qui est redevenue actuelle. Ses contours et ses limites font ainsi l’objet d’un débat détaillé. Nul doute que tous ces éléments feront encore l’objet de discussions et de décisions lors des prochains temps».

Il cite ensuite la gestion de l’énergie, la poursuite de l’aide humanitaire sur place et dans l’accueil des réfugiés. Comme le conseiller fédéral Ignazio Cassis, il estime qu’il faut «être actif dès maintenant dans l’aide à la reconstruction de l’Ukraine. À ce sujet, la Suisse peut apporter beaucoup, tant dans ses actions humanitaires que son expérience des bons offices. Mais aussi par son dynamisme et ses innovations, ses compétences avérées en matière de formation et de gouvernance, pour ne citer que ces quelques exemples».

Formaliser nos relations avec l’UE

Pour cette deuxième année de guerre, Carlo Sommaruga appelle à «maintenir l’effort national de solidarité avec l’Ukraine par l’accueil des réfugiés et par l’appui humanitaire sur place et d’autre part saisir les opportunités de dialogue et de promotion de la paix pour une fin des hostilités et pour souveraineté de l’Ukraine sur son territoire». Nicolas Walder partage son avis, mais: «Il est aussi urgent de faire pression sur nos multinationales afin qu’elles réduisent leurs activités en Russie, y compris les sociétés de trading».

Sur le plan interne, l’écologiste genevois estime qu’il faudrait «rapidement formaliser notre relation avec l’Union européenne et accroître nos collaborations dans tous les domaines. Il est aussi important que le Conseil fédéral reprenne les sanctions thématiques liées aux droits humains de l’UE. Cela permettrait par exemple de sanctionner l’ensemble des activités du groupe Wagner».

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