Revenus: L’Italie résiste encore et toujours au salaire minimum

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RevenusL’Italie résiste encore et toujours au salaire minimum

Alors que près de trois Italiens sur quatre plébiscitent un revenu minimal, et que la gauche en veut un à neuf euros de l’heure, le gouvernement de Giorgia Meloni et des PME jouent la montre.

En Italie, de nombreuses conventions restent nettement en dessous des neuf euros brut, comme dans le tourisme, où elle est de 7,48 euros de l’heure.

En Italie, de nombreuses conventions restent nettement en dessous des neuf euros brut, comme dans le tourisme, où elle est de 7,48 euros de l’heure.

photo d’illustration AFP

«On ne vit pas, on survit»: Aurelio Bocchi, 64 ans, vigile à Padoue, dans le nord de l’Italie, gagne 3,96 euros net de l’heure. C’est le tarif de sa convention collective, dans l’un des derniers bastions en Europe à résister au salaire minimum. Une fois payé le loyer mensuel de 610 euros, il lui reste 260 euros pour vivre. «Je ne fais pas de folies, je ne bois pas, je ne fume pas et j’économise sur tout», raconte-t-il. Son rêve? Acheter une moto pour sillonner le monde, mais c’est hors de prix.

Pour mettre fin à ces «salaires de misère», l’opposition de centre gauche milite pour la création d’un revenu minimum, fixé à neuf euros brut de l’heure, mettant dans l’embarras la coalition de droite et d’extrême droite dirigée par Giorgia Meloni. Farouchement opposée à un salaire minimum, qui n’est pour elle qu'«un slogan qui risque de créer des problèmes», la présidente du Conseil compte temporiser. Jeudi, le gouvernement a coupé court au débat en le renvoyant, par un vote au Parlement, à début octobre.

Selon les sondages, 70% des Italiens, dont les électeurs du gouvernement Meloni, plébiscitent pourtant l’instauration d’un salaire minimum. Le pays figure parmi les cinq derniers de l’Union européenne, avec la Finlande, la Suède, le Danemark et l’Autriche, où les revenus sont déterminés par la seule négociation collective entre patronat et syndicats. Une directive de l’UE, en vigueur depuis novembre 2022, fixe des règles encadrant le salaire minimum, sans toutefois obliger les États réfractaires à adopter ce système.

7,28 euros de l’heure dans la restauration

«Nous n’avons pas besoin d’un revenu minimum en Italie, nous ne sommes pas en Union soviétique, où tout le monde avait le même salaire», a tonné Antonio Tajani, chef du parti conservateur Forza Italia, membre de la coalition au pouvoir. À l’instar de Giorgia Meloni, il propose d’étendre les conventions collectives aux 20% des salariés non couverts par les près de 1000 accords en vigueur.

«Nous n’avons pas besoin d’un revenu minimum en Italie, nous ne sommes pas en Union soviétique, où tout le monde avait le même salaire.»

Antonio Tajani, chef du parti conservateur Forza Italia, membre de la coalition au pouvoir

Or, de nombreuses conventions restent nettement en dessous des neuf euros brut, comme celles des services de nettoyage (6,52 euros), de la restauration (7,28) ou encore du tourisme (7,48). De plus, l’Italie est, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, le seul pays européen où les salaires réels (hors inflation) ont diminué entre 1990 et 2020 (-2,9%). Le salaire moyen annuel brut est de 28’781 euros, inférieur à la moyenne de l’UE.

Syndicats moins représentés dans les PME

Pourquoi cette résistance à un salaire minimum? «Les PME sont omniprésentes en Italie, pour elles la flexibilité du travail et des salaires est très importante», explique David Benassi, professeur de sociologie à l’Université Bicocca de Milan. «Les syndicats y sont beaucoup moins représentés que dans les grandes entreprises industrielles, où les conventions garantissent un salaire adéquat.»

«Il y a une opposition de fond de ce gouvernement au salaire minimum, car sa base électorale, ce sont ces micro-entreprises qui font des profits, grâce à la réduction des coûts du travail», surenchérit Simone Fana, auteur du livre «Halte aux salaires de misère!».

Parmi cette clientèle, des petits commerçants, restaurateurs et agriculteurs sont opposés au salaire minimum et au «revenu de citoyenneté» destiné aux pauvres, qui les empêchent, selon eux, de recruter du personnel.

Prestation sociale rabotée

En juillet, la paie d’Aurelio Bocchi a été augmentée de tout juste 28 centimes de l’heure. Mais il refuse de percevoir le «revenu de citoyenneté», pour ne pas «vivre sur le dos de la communauté». Giorgia Meloni a d’ailleurs raboté cette prestation sociale, et 159’000 familles ont d’ores et déjà été averties, par un simple SMS, qu’elles en ont été exclues.

Quant aux syndicats, ils n’ont guère fait campagne pour un salaire minimum, redoutant que l’État n’empiète sur leurs prérogatives. Le premier syndicat, proche de la gauche, la CGIL, a fini par s’y convertir. À l’inverse, la CISL, l’autre grand syndicat, y est opposée, redoutant «la sortie de milliers d’entreprises des conventions collectives» et «une augmentation exponentielle du travail au noir».

(AFP)

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