Bélarus - Onze ans de prison pour Maria Kolesnikova, figure de l’opposition

Publié

BélarusOnze ans de prison pour Maria Kolesnikova, figure de l’opposition

Maria Kolesnikova a été condamnée pour «complot visant à s’emparer du pouvoir», «appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale» et «création d’une formation extrémiste»

Maria Kolesnikova était jugée en même temps que l’avocat Maxime Znak.

Maria Kolesnikova était jugée en même temps que l’avocat Maxime Znak.

AFP

La justice biélorusse a condamné lundi à onze ans de prison Maria Kolesnikova, une des grandes figures de la contestation de l’été 2020, une sentence illustrant une fois encore une répression sans relâche de toute opposition au régime d’Alexandre Loukachenko.

Maria Kolesnikova, 39 ans, a été reconnue coupable de «complot visant à s’emparer du pouvoir», d’«appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale» et de «création d’une formation extrémiste», selon le service de presse de Viktor Babaryko, un autre opposant emprisonné pour lequel elle avait travaillé. Son coaccusé, l’avocat Maxime Znak, s’est vu infliger une peine de dix ans d’emprisonnement.

Le procès des deux opposants, incarcérés depuis 11 mois, avait commencé début août et s’est tenu à huis clos, si bien que peu de détails ont filtré, d’autant que la plupart des médias indépendants, ONG et mouvements d’opposition ont subi une répression inlassable depuis des mois. Les avocats de la défense avaient, par ailleurs, interdiction de parler sur le contenu du dossier.

Souriante à l’audience

Selon des images diffusées avant le verdict par des comptes sur la messagerie Telegram, Mme Kolesnikova, cheveux courts, portant du rouge à lèvres, était souriante à l’audience, enfermée avec M. Znak dans la cage de verre réservée aux accusés.

Menottée, elle a formé, à l’attention des quelques médias pro-pouvoir autorisés, un cœur avec les mains, l’un des signes de ralliement de l’opposition, au même titre que le poing levé et les doigts en V de victoire.

Au début du procès, elle avait esquissé quelques pas de danse en signe de défiance au pouvoir de M. Loukachenko, aux commandes depuis 1994 et dont la réélection décriée en 2020 avait déclenché une contestation sans précédent.

Terroriser les Biélorusses

La candidate de l’opposition à ce scrutin, Svetlana Tikhanovskaïa a réagi sur twitter à ce verdict, demandant «la libération immédiate de Maria et Maxime». «Il s’agit de terroriser les Biélorusses qui sont opposés au régime», a-t-elle dénoncé.

Maria Kolesnikova avait été incarcérée en septembre après avoir résisté de manière spectaculaire à une tentative des autorités de l’expulser de son propre pays. Selon ses proches, les services spéciaux biélorusses (KGB) l’ont enlevée, puis lui ont mis un sac sur la tête pour la conduire à la frontière ukrainienne. Refusant de quitter le Bélarus, elle a sauté d’une fenêtre et a déchiré son passeport, ce qui a entraîné son incarcération.

Maria Kolesnikova et Maxime Znak ont travaillé pour Viktor Babaryko, rival du président biélorusse récemment condamné à 14 ans de prison pour fraude, une affaire qu’il dénonce comme politique. Ils appartenaient aussi au Conseil de coordination de sept membres mis sur pied par l’opposition après la présidentielle d’août 2020 pour organiser une transition pacifique du pouvoir.

À la tête du mouvement de contestation

Mme Kolesnikova était l’une des trois femmes propulsées à la tête du mouvement de contestation, avec Svetlana Tikhanovskaïa, candidate à la présidentielle à la place de son mari emprisonné, et Veronika Tsepkalo. Ces deux dernières ont fui le pays, sous la pression des autorités.

Le mouvement de contestation, qui a rassemblé des dizaines de milliers de manifestants dans les rues à l’été 2020, a été progressivement maté, avec des milliers d’arrestations, les exils forcés et les emprisonnements de dirigeants politiques, de responsables de médias et d’ONG.

Le régime biélorusse est aussi accusé d’avoir détourné en mai un vol commercial en prétextant une alerte à la bombe afin d’arrêter le dissident et journaliste Roman Protassevitch qui se trouvait à bord.

Les Occidentaux ont adopté plusieurs trains de sanctions contre Minsk, qui jouit en revanche du soutien infaillible de Moscou. Le président Loukachenko doit à nouveau être reçu cette semaine par Vladimir Poutine, les deux dirigeants travaillant depuis des mois à un renforcement de l’intégration économique et politique de leurs pays.

Berlin dénonce une condamnation «injustifiable»

Le gouvernement allemand a dénoncé lundi la condamnation «injustifiable» à onze ans de prison de l’opposante biélorusse Maria Kolesnikova, une des grandes figures de la contestation de l’été 2020. L’Allemagne demande «la libération de tous les prisonniers politiques au Belarus», a ajouté lors d’un point presse régulier une porte-parole du Ministère des affaires étrangères.

Le gouvernement d’Angela Merkel dénonce cette «condamnation injustifiable et l’instrumentalisation du système judiciaire à des fins de persécution politique au Belarus», a-t-elle ajouté. «Nous continuerons bien sûr à maintenir la pression politique sur le régime et à soutenir activement la société civile», prévient la porte-parole du Ministère des affaires étrangères.

Londres appelle à «mettre fin à la répression»

Le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a sommé lundi le pouvoir bélarusse de «mettre fin à la répression» après la condamnation infligée à Maria Kolesnikova, figure de la contestation en 2020, et à son coaccusé.

«La condamnation de Maria Kolesnikova et de Maxime Znak montre que les autorités bélarusses poursuivent leur assaut contre les défenseurs de la démocratie et de la liberté. Le régime de Loukachenko doit mettre fin à cette répression et libérer tous les détenus politiques», a déclaré M. Raab sur Twitter.

Version originale publiée sur 20min.ch

( )

Ton opinion

6 commentaires