Football - Une vraie semaine anglaise, sans Covid ni... chants

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FootballUne vraie semaine anglaise, sans Covid ni... chants

Les frontières qui s'ouvrent, c'est aussi le retour du «groundhopping»! Immergez-vous avec nous dans un enchaînement de cinq matches en cinq jours dans les West Midlands.

Robin Carrel Birmingham
par
Robin Carrel Birmingham
Des places bien situées pour pas cher, dans les Midlands!

Des places bien situées pour pas cher, dans les Midlands!

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Le «groundhopping», contraction de ground («terrain») et de hopping («sautant»), consiste à assister à des matches de foot dans des stades que l’on ne connaît pas, pour découvrir de nouvelles ambiances et de nouvelles atmosphères. C'est aussi une autre façon de parcourir le monde et les gens qui le font. Alors Dieu sait qu'en tant que journaliste, on a eu la chance de pouvoir aller voir des parties par monts, par vaux et même plus loin encore ces derniers mois. Mais c'était loin d'être pareil, avec les masques, sans public, sans ambiances, ni… bières.

En fait, cette façon de faire du tourisme pas comme les autres permet également aux gens comme moi, un peu trop accros au jeu de ballon, de découvrir des endroits où ils n'auraient jamais mis les pieds. C'est vrai quoi... Qui s'est dit un jour: «Tiens, je vais aller passer une semaine pour bronzer à Birmingham entre les mois d'octobre et de novembre, ça va être super»? Et bien ajoutez-y cinq matches de football au milieu et, effectivement, ç'a été tout à fait magique.

Birmingham est une ville très sympa à plein d’aspects.

Birmingham est une ville très sympa à plein d’aspects.

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En prime, actuellement, le pays de Boris Johnson, c’est un peu un paradis illusoire sans Covid. Le nombre de cas y plafonne très haut, mais personne n’en a grand-chose à faire. Le paradis des antivax? Non, car si vous n’avez pas été immunisé, vous êtes bons pour une quarantaine et plusieurs tests. Si vous êtes vaccinés en revanche, il n’y a qu’un test à réaliser dans les 48 heures après votre arrivée et ensuite tout est comme dans le «monde d’avant» ou presque.

Dans les West Midlands, une personne sur deux, voire deux personnes sur trois ne portent pas de masque dans les transports publics. Ce chiffre tombe à un sur dix dans les magasins et presque autant dans les pharmacies. On approche du zéro absolu dans les pubs en début de soirée. Imaginez ce qu’il reste après dix pintes... Quand on n’a pas l’habitude, ça choque! Dans les stades, il est juste écrit que des contrôles sont possibles avant les entrées. Spoiler alert: on n’en a pas vu un seul.

Pour le reste, ne vous fourvoyez pas. En Angleterre, ça fait bien longtemps qu'on n'y va plus pour l'ambiance ou les chants. Sur les cinq matches que j'ai pu suivre en autant de jours, seuls les réputés fans de West Ham en déplacement et, dans une moindre mesure, les supporters «at home» de Wolverhampton ont réussi à me donner une petite chair de poule vite fait grâce à leur organe. Je suis resté stupéfait, par exemple, que les quelque 5000 fans d'Everton débarqués à Molineux un lundi soir restent si silencieux.

C’est ce qu’on appelle un «mauvais 0-0».

C’est ce qu’on appelle un «mauvais 0-0».

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Ce n'est de loin pas nouveau. L'Angleterre a dû faire sa purge des hooligans il y a de longues années et n'y est pas allée avec le dos de la cuillère, là où la Suisse, elle, tergiverse encore. Les clubs de la Perfide Albion permettent toujours aux supporters adverses de venir au stade, ce qui donne lieu à de magnifiques chambrages entre les différents supporters, même âgés de moins de dix ans. Les billets nominatifs, l'expérience des pouvoirs publics en la matière et le nombre de policiers autours des stades font le reste. Même si, épisodiquement, il y a toujours quelques dérapages, forcément, quand on a le droit de s’enfiler des bières dans les stades, mais «not in the view of the pitch» («pas si on peut voir depuis le terrain»).

Au programme de la semaine donc: cinq parties, le tout à moins de trois quarts d'heure en transports publics de la gare de New Street de Birmingham. Et pour bien lancer l'affaire, le samedi 30 octobre, autant se plonger directement dans le «vrai football». En Conference Premier, le cinquième niveau anglais qui est encore semi-professionnel, pour un affrontement entre Solihull Moors et Yeovil. Dans un petit stade très pittoresque près de l'aéroport de Birmingham, je vais tout voir en deux heures de ce qui fait l'essence de la «Non League» anglaise.

Les coulisses du show à Solihull.

Les coulisses du show à Solihull.

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Ces parties se déroulent à 15 heures, en plein «black-out» de la Premier League. Les matches de l'élite ne sont pas diffusés en direct à la TV en Angleterre, pour que les formations du football d'en-bas puissent exister. Du coup, la moitié des anciens en tribunes ont des écouteurs dans les oreilles. Les plus jeunes jonglent entre les notifications sur leur smartphone. Les 232 fans de Yeovil qui ont fait le déplacement, eux, chantent, rigolent et mettent l'ambiance. Qu'est-ce que c'est beau!

En tout, on était 1607 à peupler le Damson Park et on y aura vu deux expulsions, mais pas de but. Par contre, plein de moments uniques, comme les attaquants de Solihull qui ont dû écourter leur échauffement par exemple. Ils n'avaient plus de ballons, les ayant tous envoyés loin au-dessus de la petite tribune! Et que dire de la buvette, avec son inscription «They say they're nice» («Ils disent qu'ils sont sympas») dessus, qui propose des hamburgers à quatre étages? Et comment vous conter la beauté d’une pelouse où on aurait pu jouer l’ultime putt du British Open de golf tellement elle était taillée à merveille…

Autour du terrain, c’est aussi un grand moment de bonheur. Les supporters de Yeovil se sont montrés très inspirés au niveau du chambrage et vocalement parlant. Une chanson évoquant l’onanisme supposé de l’arbitre après un carton rouge restera longtemps dans ma mémoire. Chez les fans de Solihull, c’était plus tranquille, mais avec une volonté farouche d’éviter à tout prix de rester au soleil. Il ne manquerait plus que quelqu’un se prenne un coup de soleil à la fin du mois d’octobre. C’est qu’on a la peau sensible dans les parages…

Le lendemain, c’était censé être mon «climax», moi qui ai eu un coup de cœur pour le club d’Aston Villa voici plus d’une vingtaine d’années. Mais voilà, les «Lions» sont dans le dur depuis le départ de Captain Jack Grealish, ils ont pris une rouste face à Everton, reperdu ensuite vendredi dernier et viré leur coach dans la foulée. Super! En prime, mon billet acheté sur un site un peu louche m’a emmené sur le siège adjacent d’un Pakistanais à moitié obèse, mais pas qu’à moitié plein.

Huit jours plus tard, l’entraîneur de Villa sera «saqué dans la matinée».

Huit jours plus tard, l’entraîneur de Villa sera «saqué dans la matinée».

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Reste que la visite de Villa Park vaut le déplacement tout de même à elle seule. L’enceinte est incroyable avec ses briques rouges et j’ai pu me rendre compte de deux choses absolument indispensables à la bonne compréhension du foot anglais. Premièrement: on est là dans un des rares pays à applaudir un type qui quitte la pelouse après s’être fait expulser, alors que son équipe est menée et se fait marcher dessus. Deuxièmement: la fille âgée de 4 ans maximum et assise derrière moi n’en avait que faire de ce qu’il se passait sur le pré, mais elle connaissait toutes les chansons du public par cœur! Et rien que ça, ça donne confiance dans le futur de l’humanité.

Pour me consoler de ce revers qui a fait mal - sans compter l’averse gigantesque sur le chemin du retour alors que j’avais décidé de marcher les 5 kilomètres jusqu’au centre ville pour digérer la défaite, les bières et le feuilleté à la viande -, place le lundi soir à un petit rêve personnel. Je ne sais pas pourquoi, le Stade de Molineux m’a toujours fait rêver. Même rien que le nom me paraissait enchanteur! Sur place, zéro déception d’ailleurs.

De là, je sentais quand même le chaud des flammes et ce n’était pas de trop.

De là, je sentais quand même le chaud des flammes et ce n’était pas de trop.

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Il y a une quinzaine de minutes de balade dans le centre de Wolverhampton avant d’arriver au stade depuis la gare et pas mal de pubs sur la route pour se donner du courage. Car l’heure avait changé le week-end précédent et le soleil se couchait vers les 15 heures quand même… Pendant le match, outre la maîtrise technique des «Loups», une ambiance très familiale malgré le lundi soir et l’école le lendemain, quelques trucs bizarres quand même, comme une bonne partie des publicités en chinois et du vin vendu en canettes. Ça peut potentiellement mettre en colère certains.

Malgré toutes mes précautions, le rhume l’a forcément emporté dès le mardi matin. Mais pas question de manquer les deux parties suivantes! Surtout que m’attendaient deux rencontres de Championship dans la foulée et, le quatrième soir, c’est un extraordinaire Birmingham City - Bristol City qui se profilait devant moi. L’ancien club de Christophe Dugarry, contre l’équipe surnommée les «Robins», forcément, ça me parle. D’autant plus qu’elle se joue à St. Andrews, une enceinte aussi désuète qu’adorable.

La buvette la plus magique du voyage.

La buvette la plus magique du voyage.

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Dans ce stade vieux de plus de 105 ans, rénové dans les années 90 mais ça se voit moyennement, ça respire le foot anglais là aussi. Pour commencer, les traditionnels pain à la viande sont réchauffés dans une cuisinière de récup’ derrière le bar et rien que ça, c’est classe. Les tourniquets y ont l’air encore plus louches que ceux de Malley époque Pierre Hegg. La buvette a l’air sortie d’un documentaire sur les seventies, comme les dents de la majorité des supporters, d’ailleurs. Je vous recommande en passant la «Peaky Blinder», une Ale locale d’un fort beau gabarit.

Il y aura eu deux héros lors de ce match qui a vu les Blues du Birmingham City FC se jouer assez facilement de Bristol. En premier lieu Troy Deeney, le génial attaquant qui mérite un tour de votre part sur Wikipédia si vous ne connaissez pas l’oiseau, qui a réussi ce soir-là deux passes décisives à l’expérience devant mes yeux ébahis. Et en deux: un ramasseur de balle, qui a eu droit à une immense ovation du public pour avoir ralenti tactiquement le jeu à la 61e minute, alors que le score n’était encore que de 1-0. La culture foot, ça ne s’achète pas.

Et tant pis pour les Robins.

Et tant pis pour les Robins.

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Pour terminer mon périple, j’ai bouclé la boucle avec un ultime match à The Hawthorns, où les «Baggies» de West Bromwich Albion recevaient Hull City. Pour 20 Livres, je me suis retrouvé à deux mètres du poteau de corner et c’était bien. Le match, lui, n’a jamais vraiment décollé. Ça m’a presque donné envie de continuer ma semaine le lendemain soir à Leicester, à une centaine de kilomètres de là, qui recevait la Spartak Moscou en Europa League. Mais ce voyage a définitivement rompu ma confiance dans les transports dits «publics», mais privatisés en Angleterre.

En résumé, la semaine sur place - avec les parties Solihull Moors - Yeovil (0-0), Aston Villa - West Ham (1-4), Wolverhampton - Everton (2-1), Birmingham City - Bristol City (3-0) et West Bromwich Albion - Hull City (1-0) - revient à quelque 1500 francs. Appartement sur place et avion compris. Les places en tribunes se trouvent facilement sur les sites des clubs respectifs, souvent entre 15 et 40 Livres, ou en étant un peu débrouille.

Dépaysement garanti et, finalement, ça coûte presque moins cher que de s’abonner à 36 bouquets différents pour pouvoir tout voir depuis chez soi.

Pas de croche-patte, sous peine d’interdiction de stade…

Pas de croche-patte, sous peine d’interdiction de stade…

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