Inondations en CalifornieLe village de Felton crie son ras-le-bol face aux tempêtes à répétition
La bourgade de 4500 âmes, blottie au milieu des forêts de séquoias au sud de San Francisco, essuie sa troisième crue en deux semaines. Ses habitants n’en peuvent plus.
Armée d’une longue raclette, Camilla Shaffer nettoie le torrent de boue qui tapisse son jardin, dans le village forestier de Felton. Non sans lassitude: c’est déjà la troisième fois en deux semaines que sa maison est inondée, à cause des tempêtes en série qui s’abattent actuellement sur la Californie.
«Je suis tellement en colère, ça me donne juste envie de pleurer», confie cette Britannique de 59 ans, fatiguée dans ses bottes pleines de fange. Quelques jours à peine après avoir dégagé son porche, elle doit déjà tout recommencer. Et si la majorité de ses biens à l’étage est protégée, le mobilier de son studio artistique au rez-de-chaussée est bon pour la benne.
Réveil les pieds dans l’eau pour Nouvel-An
À Felton, petite bourgade de 4500 âmes, blottie au milieu des montagnes peuplées de séquoias sur la côte au sud de San Francisco, les habitants se croyaient habitués aux sautes d’humeur de la rivière San Lorenzo. Le torrent a débordé plusieurs fois de son lit au cours de la dernière décennie. Mais cette fois, leurs nerfs sont mis à rude épreuve: le village n’avait jamais subi une telle fréquence, ni une telle intensité.
Depuis Noël, huit tempêtes d’affilée ont déferlé sur la Californie, nourrie par des «rivières atmosphériques», de véritables fleuves du ciel, capables de transporter d’énormes quantités d’eau depuis les tropiques. Résultat, plusieurs zones de Felton se sont réveillées les pieds dans l’eau le jour du Nouvel-An. Avant de subir une deuxième crue lundi, et encore une autre samedi.
Avant-goût d’un sombre avenir
À Felton, où canapés, tapis, poubelles et commodes trônent encore de manière erratique dans certaines rues détrempées, on redoute que cette série noire ne préfigure un sombre avenir. «J’espère que ce n’est pas ça, la nouvelle normalité», soupire Melissa Foley, en poussant une brouette remplie de kits de nettoyage donnés par la Croix-Rouge, qu’elle distribue à ses voisins.
Comme de nombreux habitants du bord de la rivière, cette écologue de 44 ans vit dans une maison à étage, «capable de résister à une inondation comme il en arrive tous les 100 ans» et avait surélevé la plupart de ses affaires avant les crues. «Nous savions pour quoi on signait en achetant ici», explique cette passionnée de trail, trop amoureuse de sa vie en forêt pour partir.
De l’eau jusqu’au plafond
Mais pour les moins bien lotis, les inondations des derniers jours sont véritablement catastrophiques. Prise en étau entre la rivière et un autre ruisseau sorti de son lit, Amberlee Galvin et sa mère ont vu l’eau monter jusqu’au plafond de leur rez-de-chaussée «en l’espace de 10 minutes» lundi, et même pénétrer à l’étage, moins élevé qu’ailleurs. «Nous avons été secourues par un voisin en canoë», raconte cette cuisinière de 23 ans.
Sèche-linge, salle de bains, chambre de son frère: le niveau inférieur est complètement dévasté et encore rempli d’une eau toxique, car la rivière a charrié de l’essence, le contenu des égouts et d’autres produits chimiques. Un mur intérieur a également été sérieusement abîmé. «L’assurance ne veut pas nous couvrir», blêmit la jeune femme. «Si on ne peut plus vivre ici, on va peut-être devoir déménager dans un endroit vraiment moins cher, comme le Texas.»