Football: Inventaire post-traumatique pour l’équipe de Suisse en vue de 2023

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FootballInventaire post-traumatique pour l’équipe de Suisse en vue de 2023

Dans moins de trois mois, début des qualifications pour l’Euro 2024. En dernier repère, ce 6-1 contre le Portugal. Comment vivre avec ça?

Daniel Visentini
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Daniel Visentini
Dépités après le 6-1 encaissé contre le Portugal en 8e de finale, les Suisses ont quitté le Mondial par la petite porte, humiliés. Cela peut laisser des traces.

Dépités après le 6-1 encaissé contre le Portugal en 8e de finale, les Suisses ont quitté le Mondial par la petite porte, humiliés. Cela peut laisser des traces.

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Un mois après, la confusion s’estompe, le temps répare, le glas de l’humiliation espace sa funeste rythmique, l’équipe de Suisse pense sans doute déjà aux échéances de mars: les deux premiers matches de qualification pour l’Euro 2024. Sauf que son dernier repère, c’est ce 6-1 encaissé en huitième de finale à Doha, face au Portugal, le pire camouflet de l’histoire helvétique à ce niveau.

La Suisse ne peut se faire l’économie d’une vraie remise en question, sauf à considérer qu’il n’y avait là qu’un accident de parcours sans conséquences. Ce qui est faux: il y a eu une rupture, rien d’accidentel, beaucoup trop de signes avant-coureurs l’ont précédée, pendant que d’autres masquaient le trouble naissant. C’est tout cela qu’il faut mettre sur la table avant les prochaines échéances. On peut parler de crever l’abcès, ou de faire table rase. Par-delà la terminologie, une nécessité.

La part de Murat Yakin

Dans les bonheurs de 2021 couvaient déjà les tensions de 2022. Au crédit de Murat Yakin: la baraka qu’il a su entretenir pour qualifier la Suisse au Mondial en devançant l’Italie. En creux, des schémas défensifs mal appréciés voire combattus par ses propres joueurs, des certitudes construites durant sept ans curieusement balayées, jusqu’au fiasco de Doha au Qatar.

Dans le ciel de l’équipe de Suisse, il n’y a pas qu’un seul diable - Yakin -, pour une nuée d’anges - les joueurs -, mais une cohabitation compliquée, dès le début, alors que le nouveau sélectionneur héritait en août 2021 de la meilleure équipe nationale de l’histoire.

Murat Yakin peut faire la moue: il va falloir gérer cette gifle, ce 6-1 reçu contre le Portugal, si la Suisse veut vraiment repartir sur des bases saines dans les qualifications au Mondial 2024 qui commencent en mars.

Murat Yakin peut faire la moue: il va falloir gérer cette gifle, ce 6-1 reçu contre le Portugal, si la Suisse veut vraiment repartir sur des bases saines dans les qualifications au Mondial 2024 qui commencent en mars.

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Le premier constat est celui d’une incapacité: Yakin n’a pas su fédérer autour de lui et surtout de son projet de jeu. Il y a eu une adhésion de surface, forcée, portée par des résultats heureux. Et très vite des incompréhensions, dont certains cadres se sont fait l’écho plus ou moins ouvertement.

Au Qatar, après la débâcle, les langues se sont déliées plus encore. Pour évoquer les curieux choix de Yakin. Le simple fait de passer contre le Portugal à une défense à trois sans l’avoir entraînée et en avertissant les joueurs quelques heures avant le match est révélateur d’un mode de fonctionnement. Cela vaut aussi pour la constitution de la sélection: un groupe qui s’en est allé au Mondial sans latéraux de rechange, avec quatre gardiens, ou avec des curiosités décisionnelles (Frei convoqué, Zakaria sur le banc). Yakin a évidemment toute légitimité pour imposer ses idées, c’est lui le patron. Mais il ne peut pas avancer seul sur ce chemin, sans l’adhésion des joueurs. L’humiliation de Doha l’a rappelé sévèrement. De tout cela, il va falloir parler pour définir des lignes plus claires, plus logiques, plus concertées.

La part des joueurs

Le 6-1, c’est aussi le naufrage des internationaux sur le terrain. Les illuminations tactiques de Yakin n’ont pas aidé, c’est vrai. Mais quand toute l’équipe court 10 kilomètres de moins que le Portugal, il y a un problème.

Cette génération qui a atteint un quart de finale à l’Euro en 2021 est donc aussi celle qui s’effondre un an et demi plus tard. Entre écrire l’histoire et la piétiner, une imposture? Non. Une fragilité qui rappelle la pertinence du travail effectué par Petkovic, sur lequel Yakin n’a pas voulu vraiment s’appuyer alors que les joueurs ne demandaient qu’une forme de continuité. De là, les tensions et les incompréhensions. De là, également, le besoin impératif d’en parler.

La part de l’ASF

Au lendemain du 6-1, l’ASF a plié l’affaire sans se formaliser, dans une conférence de presse un peu lunaire. En résumé: oui, c’est douloureux, mais non, le camouflet ne remet rien en question de l’excellent travail fourni par Yakin et ses joueurs. Circulez, il n’y a rien à voir!

Pas même le fiasco tactique, les tensions internes, le relationnel problématique entre les cadres (notamment Xhaka, Shaqiri, Sommer) et le sélectionneur? Non. Au mieux, l’ASF a voulu botter en touche; au pire, elle est sourde et aveugle au malaise.

C’est Pierluigi Tami, directeur des équipes nationales, qui a contacté Murat Yakin en août 2021 dans l’urgence, après le départ surprise de Vladimir Petkovic. Le résultat brut de l’opération n’a rien de honteux, au contraire: une qualification au Mondial devant l’Italie, un maintien dans l’élite de la Ligue des Nations, un huitième de finale atteint. Mais dans le fond: une régression dans le jeu, un style qui s’est effacé, des assurances fortement ébranlées.

L’examen de conscience concerne aussi l’ASF, qui doit se poser toutes les questions, y compris celle touchant à la place de Yakin. Continuer avec lui, c’est là aussi y mettre des formes mieux définies.

Le cas Xhaka

La Suisse va jouer son premier match de qualification à l’Euro 2024 contre la Biélorussie. Étant donné le contexte géopolitique, les Biélorusses ne jouent pas devant leur public. Mais à Novi Sad, en Serbie. Le 25 mars, c’est donc en Serbie que la Suisse est attendue pour défier la Biélorussie. Bien pensé par l’UEFA, rien à dire, il faut espérer que ce match puisse être relocalisé ailleurs.

Parce que les tensions politiques entre la Serbie et le Kosovo sont immenses et deux joueurs suisses le savent mieux que personne: Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, tous deux originaires du Kosovo. Cela a éclaté en 2018 déjà lors de Suisse-Serbie. Rebelote en fin de match en 2022 à Doha contre le même adversaire.

Xhaka a toujours été impliqué. La première fois, c’était l’aigle bicéphale mimé (avec Shaqiri), la seconde c’est tout seul qu’il s’est manifesté, enfilant le maillot de son coéquipier Ardon Jashari. Curieux? Oui. Surtout quand on sait que le patronyme de Jashari est aussi celui d’Adem Jashari, un héros de la cause kosovare. De là à penser que Xhaka avait bien calculé sa provocation, il n’y a qu’un pas.

De là à penser qu’il ne doit plus être le capitaine de l’équipe de Suisse, il y en a un autre. Allègrement franchi notamment par le commentateur SRF Sascha Ruefer. On rappellera que sur le terrain, Xhaka s’est montré irréprochable. Oh, bien sûr, il a répondu avec une certaine vulgarité à une provocation du banc serbe, non moins vulgaire. C’est humain. Et à la fin, quand le gardien Vanja lui a serré la gorge avec sa main, il n’a pas bronché. Xhaka cristallise beaucoup d’attentions, il est parfois dans la provocation, mais il n’a fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire de la FIFA.

Le 28 juin 2021, la Suisse se qualifiait pour un quart de finale de l’Euro en éliminant la France. Au grand jour: le capitaine Xhaka dans les bras du sélectionneur Petkovic. Cette union forte, essentielle, n’existe plus entre Xhaka et Yakin.

Le 28 juin 2021, la Suisse se qualifiait pour un quart de finale de l’Euro en éliminant la France. Au grand jour: le capitaine Xhaka dans les bras du sélectionneur Petkovic. Cette union forte, essentielle, n’existe plus entre Xhaka et Yakin.

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Il ne faut pas s’y tromper: la Suisse lui doit un engagement sans réserve, au-delà de ses motivations personnelles. Cela ne plaît sans doute pas à certains, mais c’est incontestable. Et s’il est le patron des joueurs, ce n’est pas par procuration: il l’est par cooptation de tout le groupe. Lui retirer le brassard ne ferait aucun sens, sauf symbolique, il demeurerait le leader naturel du groupe. Dans l’absolu, il devrait l’être conjointement avec Murat Yakin, comme ce fut le cas sous Petkovic. Mais cela n’a jamais été le cas.

Quel avenir suisse?

Dans le groupe de qualification le plus faible qui soit (Roumanie, Biélorussie, Israël, Kosovo et Andorre pour adversaires), la Suisse doit finir à l’une des deux premières places. Il est impensable qu’elle n’y parvienne pas. Mais cela ne dispense ni Yakin, ni l’ASF, ni les joueurs, de repenser à ces derniers mois, cette année 2022 terminée dans la bouillie de ce 6-1 contre le Portugal. Parce qu’il y a comme un malaise qui couve à l’interne, qu’il faut dissiper. D’une manière ou d’une autre.

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