La Chaux-de-Fonds/BiennePrison requise pour des faits «d’une violence répugnante»
Dans le procès pour l’enlèvement d’un jeune, en lien avec une guerre de gangs, la procureure a mené un réquisitoire implacable contre les sept prévenus, dont un seul, repenti et collaboratif, mériterait le sursis. La défense a riposté.
- par
- Pauline Rumpf
Le travail des juges ne sera pas aisé dans l’affaire de l’enlèvement, la séquestration et le passage à tabac d’un jeune Biennois par un gang chaux-de-fonnier. Celle-ci compte des dizaines d’acteurs potentiels, sept prévenus, et quelque 5400 pages de dossier. Il a fallu se concentrer sur les auteurs principaux, a expliqué la procureure Ludivine Ferreira Broquet, alors que pas moins de 42 affaires ont été ouvertes dans le canton, ainsi qu’une à Berne et une vaudoise, en lien avec la guerre de gangs qui oppose les Montagnes neuchâteloises (47) à Bienne (2CZ).
Une «volonté d’en découdre»
Fine connaisseuse de cet immense dossier, la représentante du Ministère public a mené un réquisitoire implacable, minutieux, énumérant les preuves et les garanties de crédibilité des témoignages incriminants. Elle a décrit l’intensité de ce ping-pong d’actes d’une violence «répugnante et gratuite», la «volonté d’en découdre», l’absence de considération pour la victime ou pour l’impact sur la jeunesse de la région. Elle a listé les points communs entre les auteurs présumés, à savoir le manque de formation, de situation familiale stable ou encore la consommation de cannabis.
Elle a également dépeint l’omerta dans ce groupe, où personne n’incrimine personne ni ne se rappelle de grand chose, mais où l’on contourne aisément la police en évitant habilement la vidéosurveillance, la géolocalisation ou l’accès aux données téléphoniques. Mais la quantité de vidéos postées sur les réseaux a tout de même pu servir de preuve à de nombreuses reprises, tout comme le récit d’un des prévenus, qui s’est dénoncé lui et ses camarades.
«Si mon client n’avait pas été là, ça aurait été pire»
Les avocats de la défense ont au contraire tenté de prouver l’absence de leur client à tel ou tel moment de la soirée, pointant des failles du dossier, des contradictions dans les témoignages, le manque de preuves, utilisant souvent la règle selon laquelle le doute profite à l'accusé et brandissant ainsi un acquittement au moins partiel. C’est souvent la crédibilité des témoins, dont les récits ne cessent de varier, qui devra être évaluée par le tribunal pour prendre sa décision.
Globalement, aucun accusé n’admet davantage qu’une éventuelle complicité; certains assurent même qu’ils ont agi en protecteurs en s’interposant lorsqu’une vingtaine de jeunes entouraient et frappaient la victime dans une cave. «Si mon client ne s’était pas interposé, s’il était parti, ça aurait été encore pire», a lancé Me Marie Chappuis. Quant à savoir pourquoi personne n’a appelé la police, l’avocate a rappelé, rejointe par un confrère, que les fréquents contrôles au faciès subis par certains des accusés à la peau noire n’était pas de nature à alimenter la confiance envers les forces de l’ordre.
Peines requises entre 4 et 7 ans
Les peines requises par la procureure vont de 4 à 7 ans de prison ferme, ainsi que l’expulsion du territoire suisse pour les accusés originaires du Portugal, d’Espagne, d’Italie et du Congo. Seul un des accusés, qui s’est livré à la police et a collaboré à l’enquête, mérite une peine de 2 ans avec sursis aux yeux de Ludivine Ferreira Broquet. «Il a déjà payé, par les menaces de représailles qu’il a subies, a abondé son avocat, Me Jean-Marie Röthlisberger, demandant même 1 an seulement. Le message doit être que de tels actes méritent une peine privative de liberté, mais que prendre ses responsabilités mérite la clémence de la justice.»
En tout cas, pour la procureure, «la tenue de ce procès a déjà changé les choses: il a contribué à enrayer cette spirale de violence et a provoqué des prises de conscience chez les auteurs».
Le verdict sera rendu ultérieurement.