SantéL’ONU dénonce le marketing pour les substituts au lait maternel
L’ONU dénonce les stratégies de marketing des fabricants de substituts au lait maternel, qui dépensent des milliards pour influer les parents du monde entier.
L’ONU a cloué au pilori mercredi les stratégies de marketing «immorales» des fabricants de substituts au lait maternel, les accusant de faire passer «les intérêts de leurs actionnaires avant ceux des enfants et de la santé publique».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) militent de longue date pour l’allaitement en raison de ses bénéfices pour la santé à long terme de la mère et de l’enfant. Mais selon un rapport inédit que ces organisations ont commandité, les acteurs du secteur, qui pèsent 55 milliards de dollars des États-Unis de ventes par an (50,7 milliards de francs), dépensent entre 3 et 5 milliards de dollars (2,76 à 4,61 milliards de francs) pour influer sur la décision des parents ou des femmes enceintes.
«Ce rapport montre clairement que le marketing du lait maternel reste omniprésent, trompeur et agressif», dénonce le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. «Il nous faut de solides politiques, législations et investissements dans l’allaitement pour nous assurer que les femmes sont protégées de pratiques marketing immorales», souligne Catherine Russell, qui dirige l’Unicef depuis le 1er février.
«Marketing partout»
«Nous voyons du marketing partout. On voit des approches différentes, parfois transparentes, parfois plutôt axées sur le numérique et dans d’autres cas ce sont les professionnels de santé qui sont ciblés» pour leur pouvoir d’influence, souligne le Dr Nigel Rollins, un pédiatre qui a supervisé l’étude pour l’OMS, dans un entretien à l’AFP.
Celle-ci a consisté à interroger 8500 parents et femmes enceintes ainsi que 300 professionnels de la santé dans 8 pays (Afrique du Sud, Bangladesh, Chine, Maroc, Mexique, Nigeria, Royaume-Uni et Vietnam) choisis pour être représentatifs géographiquement et assez divers au regard du taux d’allaitement. Malgré les bénéfices connus pour la santé, seulement 44% des bébés de moins de 6 mois sont exclusivement allaités, selon l’OMS et l’Unicef.
«Le taux d’allaitement dans le monde n’a que très peu augmenté ces 20 dernières années, alors que les ventes de ces laits pour bébés ont doublé sur à peu près la même période», soulignent les agences onusiennes. «Partout dans le monde les mères disent ne vouloir que le meilleur pour leur enfant (…) et l’industrie et le marketing y voient une opportunité commerciale», déplore le docteur Rollins.
Pseudo-science
«Un enfant qui pleure, qui ne dort pas, c’est très angoissant pour les parents, et les fabricants se servent de ces moments pour dire qu’on a la solution à vos problèmes», explique-t-il. Il insiste sur le fait que nombre d’arguments sont de la pseudo-science, qui n’est basée sur aucune recherche solide mais qui permet d’augmenter les marges.
L’OMS et l’Unicef s’inquiètent tout particulièrement de ce que les fabricants ciblent les personnels de santé qui «sont approchés pour influer sur leurs recommandations aux nouvelles mamans». L’éventail est large: échantillons gratuits, cadeaux promotionnels, financement de recherches, colloques mais aussi parfois un intéressement aux ventes.
Le docteur Rollins insiste toutefois pour affirmer qu’il ne s’agit pas de débarrasser les rayons des magasins des laits pour bébés, certains parents n’ayant tout simplement pas le choix. Mais il faut légiférer pour éviter les pratiques abusives et fallacieuses, estime-t-il.