Commentaire: le baroud d’honneur du procureur Dubuis

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CommentaireValais: le baroud d’honneur du procureur Dubuis

Le Ministère public valaisan, peu habitué à se mouiller, a surpris tout le monde en attaquant l’establishment politique sur le «cadeau» des remontées mécaniques.

Eric Felley
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Eric Felley
Les remontées mécaniques de Zermatt ont reçu cette année quelque 25 millions de francs pour compenser les pertes lors des deux années de pandémie.

Les remontées mécaniques de Zermatt ont reçu cette année quelque 25 millions de francs pour compenser les pertes lors des deux années de pandémie.

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Le Ministère public valaisan a confirmé cette semaine l’ouverture d’office une enquête contre inconnu pour le délit «d’acceptation d’un avantage». Les cibles sont connues. Ce sont les conseillers d’État et les parlementaires fédéraux, qui se voient offrir par les remontées mécaniques valaisannes un abonnement de ski pour tout le canton à 100 francs, alors que celui-ci vaut cette saison 1940 francs.

En novembre dernier, le Tribunal fédéral a fait condamner Pierre Maudet pour l’acceptation d’un avantage lors de son voyage en famille à Abu Dhabi au frais du prince pour un montant de 50’000 francs. Ce jugement fonde une nouvelle jurisprudence sur la notion d’avantage, qui pourrait bien s’appliquer à l’abonnement bradé aux élus des Alpes. Si l’on additionne toutes les années où ce cadeau a été offert, cela fait vite une somme appréciable pour les plus anciens.

La valse des millions pour les remontées

Les décideurs politiques valaisans et les remontées mécaniques valaisannes ont toujours entretenu des liens très étroits. Le canton a ouvert un fonds d’investissement en 2019 pour soutenir la branche à coups de dizaines de millions de francs. Cette année, l’État du Valais a sorti encore 28,7 millions de plus (avec 23 millions de la Confédération) en guise de compensation pour les pertes durant les années de pandémie.

Au regard des us et coutumes valaisans, l’ouverture de cette enquête peut paraître futile, une tempête dans un verre de fendant. Le conseiller d’État Christophe Darbellay dit «avoir la conscience tranquille» et ne pas avoir l’intention de renoncer à cet abonnement, qui se pratique depuis trente ans. Effectivement, le flou a régné longtemps en Valais sur ce privilège de la fonction. Mais, à la fin de l’année dernière, le Conseil d’État valaisan a lui-même présenté un «système de Compliance-Management» pour l’ensemble de l’État. Les membres du Gouvernement ne peuvent accepter des cadeaux de courtoisie que s’ils sont «conformes aux usages sociaux, de faible importance et raisonnables». La limite a été fixée à 300 francs en janvier dernier.

1840 francs restent dans la poche

Il est ajouté: «Dans tous les cas, il est interdit aux membres du Conseil d’État d’accepter des cadeaux en espèces». En obtenant un abonnement à 100 francs au lieu de 1940 francs, le bénéficiaire économise 1840 francs. Certes il ne les reçoit pas en espèces, mais économiquement cela revient strictement au même. Ces 1840 francs économisés restent dans la poche du conseiller d’État et sont bien réels pour d’autres dépenses. Pierre Maudet n’avait pas touché d’espèces non plus, on lui avait offert le voyage.

«Visiblement le Ministère public valaisan n’a rien de mieux à faire», se plaint encore Christophe Darbellay. Ce n’est pas faux. À sa tête, le procureur général Nicolas Dubuis a annoncé sa démission avant la fin de l’année. On dirait que cette enquête ressemble à un pied de nez de fin de parcours pour l’establishment valaisan. Mais sur le fond, il pourrait bien avoir raison avant de partir.

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