Qatar 2022Djibril Sow, indiscutable par défaut
Murat Yakin a fait du milieu de l’Eintracht Francfort un titulaire important de l’équipe de Suisse. Mais rarement au poste auquel il excelle. Difficile de se mettre en valeur.
- par
- Valentin Schnorhk Doha
Djibril Sow n’a rien volé à personne. Qui, en équipe de Suisse, peut vraiment prétendre avoir réalisé une année 2022 de plus haut niveau que lui? Peut-être Granit Xhaka, à la grâce de son excellent début de saison à Arsenal. Breel Embolo, pourquoi pas, parce que régulier dans des clubs d’une dimension moindre. Noah Okafor, éventuellement, surtout parce qu’il se révèle.
Mais Djibril Sow, en 2022, c’est une victoire en Europa League avec l’Eintracht Francfort («Dans l’équipe de Suisse, il n’y a que Shaqiri qui a également remporté une Coupe d’Europe», rappelle-t-il à juste titre), une qualification en 8es de finale de la Ligue des champions, une 4e place provisoire en Bundesliga. Le tout dans un rôle de titulaire majeur et intouchable. Voilà tout.
Numéro 6 en club
Tableau incontestable. Sur la base de ces références collectives et individuelles, Djibril Sow (34 sélections) a le droit de revendiquer une place de titulaire en équipe nationale. Et de s’affirmer en tant que tel. Jusqu’ici, tout va bien: il semble d’ailleurs être un des éléments clés de Murat Yakin. Depuis le mois de juin, il a commencé chaque match de l’équipe nationale, à l’exception de la défaite 1-0 contre l’Espagne à Genève (ainsi que le match amical du 17 novembre contre le Ghana, lorsqu’il était ménagé). Pas de raison non plus qu’il soit sorti du onze contre la Serbie vendredi. Lorsque cela compte vraiment, le Zurichois de 25 ans est indiscutable.
Mais il l’est de fait, presque par défaut. Parce que lorsque surgit la question de son positionnement, l’interrogation est légitime: est-il placé dans les meilleures conditions? Dans un 4-3-3 comme contre le Cameroun, il est milieu relayeur droit. Dans le 4-2-3-1 adopté contre le Brésil, c’est en soutien de Breel Embolo qu’il a été aligné. Une forme de numéro 10 défensif, surtout utilisé pour couper le chemin vers Casemiro et sortir au pressing lorsque la situation le demandait.
Et en club? En tant que numéro six, dans une paire de milieux défensifs placés devant la défense. Un rôle qu’il maîtrise parfaitement et qui ne l’empêche pas de se projeter en deuxième rideau, avec le jeu face à lui: il a d’ailleurs inscrit deux buts en Bundesliga cette saison. Reste que son influence dans une équipe n’est pas toujours identique. Et la reconnaissance qu’il en tire non plus. «Ce n’est pas à moi de juger si je me mets en valeur, balaye-t-il humblement. C’est le coach qui fait sa composition, selon sa vision.»
L’expérience de Xhaka
Granit Xhaka peut en témoigner: ce que Djibril Sow vit en équipe de Suisse actuellement, il l’a lui aussi connu au début de son parcours international, jusqu’à la Coupe du monde 2014. Ottmar Hitzfeld en avait fait un meneur de jeu avancé, parce qu’il ne voulait pas déloger le capitaine Gökhan Inler et Valon Behrami de devant la défense. C’était un choix qui ne servait pas le spectacle, ni le jeu offensif. Mais Xhaka avait le talent nécessaire pour y trouver des solutions. Toute ressemblance avec la situation actuelle, où la paire Xhaka-Freuler semble inamovible, n’est pas totalement fortuite.
«Djibril est très fort. Il est encore jeune, mais il a deux vieux renards derrière lui, souriait Xhaka après la défaite contre le Brésil. J’étais dans le même cas que lui. Je lui dis toujours que, plus tard, il pourra jouer au poste qu’il préfère. Il doit simplement accepter la situation et être patient.»
Il l’est. Il n’a d’ailleurs pas vraiment à se plaindre. «Je peux travailler beaucoup pour l’équipe, l’entraîneur le sait, estime le principal concerné. À Francfort, je fais mon boulot, j’y ai beaucoup de succès. Cela donne pas mal de confiance et je veux pouvoir en faire profiter l’équipe nationale.»
Mais se plaît-il vraiment dans ce poste qui correspond moins à ses qualités? «Les souhaits personnels n’ont pas d’importance, assène Djibril Sow. Moi, je suis surtout content de jouer. Où que ce soit. Entre le Cameroun et le Brésil, mon rôle a d’ailleurs changé. Face au Brésil, il s’agissait surtout d’être compact et actif défensivement. Mais également d’offrir plus de solutions au milieu. Je pense que ce n’était pas mal: nous parvenions à garder le ballon, mais offensivement, dans le dernier tiers, ce n’était pas suffisant.» Il n’y a pas beaucoup contribué. Qui peut vraiment le blâmer? Pas grand monde.
Sauf ceux qui prennent au sérieux Granit Xhaka: «Djibril est un attaquant né». Oui, Granit Xhaka rigolait.