TennisCommentaire: ça fait bizarre, quand même
Roger Federer va donc prendre sa retraite. Et il a fallu aller voir ce Monsieur qui a accompagné la grande partie de ma vie, en urgence mardi matin, parce qu'il voulait parler à la Suisse. Oui, ça fait bizarre.


Je suis né le 8 mai 1981. Le «Maître» a vu le jour le 8 août de la même année, il est donc trois mois plus jeune que moi. Ça fait bizarre. Car autant dire qu'il m'a «accompagné» sans le savoir la majorité de ma vie, comme tous les Suisses qui ont 50 ans de plus que moi et tous les jeunes qui ont 35 ans de moins que ma petite personne. Ce mardi, en dernière minute, il a fallu prendre un avion dès potron-minet - comme disent les vieux - pour aller l'écouter dans les entrailles de l'O2 Arena de Londres, 24 heures avant qu'il ne parle à la presse internationale.
Alors je n'ai pas tout compris à ce qu'il a dit - le «Baseldytsch» peut être particulièrement violent, quand vous avez dû vous réveiller à 4 heures du matin -, mais ça a quand même remué un peu. Federer a eu le bon goût de commencer son entretien en français, afin d'être sûr que la frange romande du pays comprenne et c'est toujours quelque chose de le voir jongler avec les langues. Et puis je ne suis pas journaliste de tennis et j'avais dû le voir trois fois en vrai dans la vie, dont une fois pour le travail et donc à moins de 20 mètres. Donc ça a fait bizarre.
Ça faisait bizarre, comme à chaque fois que vous rencontrez dans la vraie vie quelqu'un que vous avez l'habitude de voir dans votre télévision. Et si ce n'était que dans le petit écran... Des débuts de soirées dans des bars, des téléphones portables sortis sur la route du Tour de France pour le suivre, des «Come on» hurlés au milieu de la nuit… Et là, dans un petit salon d'une Arena que j'avais visitée à deux reprises pour y voir du MMA, voilà que la star explique des trucs sur sa vie, avec sa propre marque de chaussures aux pieds.
Parce que pour des Suisses comme nous, tu veux faire quoi comme plus grande superstar? Michael Jordan? Éventuellement, mais je n'ai eu Canal+ que tard. Mohamed Ali? Je suis trop jeune. Pelé, Maradona, Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi? Trop jeune, trop jeune et il ne faut pas abuser, le meilleur c'est Steen Thychosen, en vrai. Usain Bolt, Lewis Hamilton, Michael Phelps? Dur de s'identifier. Federer, lui, est quand même passé par Ecublens et Bienne. Ça en fait presque un gamin de chez nous qui a fini icône mondiale. Ça fait bizarre.

Et puis quand tu le rencontres, tout a l'air simple. Il arrive, tout est carré, comme sa carrure. Il te met à l'aise tout de suite, ça propose un café, ça tutoie rapidement, ça fait des blagues... T’es vite mis à l’aise. Franchement, vu de loin, il paraît un peu trop lisse et tout, mais en vrai, il en fait des bonnes et ça fait plaisir. Je ne pourrai pas rester pour son match et son show qu’il organise ce week-end, mais j’ai eu ma dose d’émotions. C’est une page de notre vie à tous qui est tournée ces jours et, là encore, ça fait bizarre. Je pourrai dire que j’y étais et ça fait plaisir. Comme sa première victoire à Wimbledon et sa dernière en Australie en 2018, que j’ai vécu dans un canapé. Mais cette fois, ce n’était pas le mien, c’était celui de juste à côté de lui.
Il y a quelques semaines, par le même hasard du boulot que celui de devoir venir à Londres au pied levé et qu’il n’y avait personne d’autre pour le faire, je m'étais retrouvé devant Martina Hingis, 41 ans elle aussi, mais retraitée depuis 2017. Et bien mardi soir, après avoir bouclé l'ordinateur et commencé à repenser à tout ça dans la très intéressante «Hardy's Freehouse» sur Trafalgar Road (pas Square, attention, la bière coûtait moins de la moitié et il y avait un vieux très allumé qui écoutait des concerts de cornemuse à fond sur son IPad au fond du bar), je me suis dit que quand on aura voté sur AVS 34, ma retraite à moi ce sera pour dans environ 30 ans, si j'ai de la chance.
Et ça aussi, ça m'a fait bizarre.