Attentat de Nice«C’était un monstre, même le diable s’est inspiré de lui»
L’ex-épouse de l’assaillant de l’attentat de Nice avait porté plainte contre lui dès 2011 pour des violences conjugales. La police française n’avait pas donné suite malgré la gravité des faits.
Trois semaines avant l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, l’assaillant avait été entendu au commissariat après une plainte pour violences conjugales. Une «audition bâclée» qui, «sans refaire l’histoire», laisse un goût amer, a souligné la cour jeudi au procès.
Le 20 juin 2016, Mohamed L.-B., Niçois de 31 ans de nationalité tunisienne, est convoqué par la police, près de deux ans après une plainte de sa femme dénonçant violences «quasi quotidiennes» et «menaces de mort». H., cousine de l’auteur de l’attentat, avait porté plainte après un épisode où il lui avait uriné dessus et avait déféqué sur le sol de leur chambre. Photos à l’appui, elle l’accusait aussi d’avoir poignardé l’ours en peluche de ses filles de 1 et 4 ans, lui promettant de ne pas «s’arrêter là».
Plainte en 2011 déjà
Après cette plainte, Mohamed L.-B. est entendu par la police en septembre 2014, puis de nouveau convoqué en mai 2016, en vain. Appelé le 17 juin pour s’expliquer, il déclare qu’il était en vacances. La police lui demande de se présenter trois jours plus tard.
L’entretien, en audition libre, durera vingt-deux minutes, durant lesquelles l’intéressé conteste les faits, explique Joël C., le policier qui l’a reçu, entendu au procès en visioconférence depuis Nice. Lors de cette audition, «pourquoi n’est-il pas placé en garde à vue?» s’étonne le président de la Cour d’assises spéciale, Laurent Raviot.
Procédure classée et «audition bâclée»
Il rappelle que «sa femme a déjà porté plainte pour violences en 2011», pour avoir été tirée par les cheveux au sol et avoir reçu des coups de poing, procédure classée sans suite en novembre 2015. Mohamed L.-B. avait aussi été condamné en mars 2016 à six mois de prison avec sursis après avoir frappé un automobiliste avec un morceau de palette.
Le policier reconnaît n’avoir pas consulté le fichier des antécédents judiciaires lors de l’audition. «Je n’étais pas au courant de tous ces faits, je n’étais pas responsable de ce dossier, je remplaçais un collègue», lâche le fonctionnaire, en maillot de sport, bras croisés sur la poitrine.
«C’est ce que je vais appeler une audition bâclée. (…) Vingt-deux minutes pour entendre une personne accusée de violence grave à l’égard de sa compagne et qui a fait défaut à plusieurs convocations», s’agace le président. «On ne peut pas refaire l’histoire à l’envers, mais le 20 juin 2016, s’il avait fait l’objet d’un placement en garde à vue, il aurait fait l’objet d’un examen médical (…) et donc s’il avait présenté des problèmes psychiatriques, on l’aurait vu», analyse Laurent Raviot.
«Sa préoccupation principale était le sexe»
H. ne témoignera pas au procès, son état ayant été jugé incompatible avec son audition. Entendue en 2017, elle expliquait être suivie pour dépression et avoir «pris un avocat» pour «changer de nom». À cette occasion, elle donnait de nouveaux détails éclairants sur la personnalité de son mari. «Sa préoccupation principale était le sexe. Il lui arrivait d’exiger de moi cinq relations sexuelles par jour», assurait-elle.
Lors d’une autre audition, en 2019, elle affirmait être tombée enceinte de son troisième enfant après un viol, alors qu’ils étaient en instance de divorce. «Alors que j’étais enceinte de ma seconde fille, il a pris un bâton, l’a cassé en deux et est entré en moi. Il aurait pu tuer ma fille, évoquait-elle. «Il aimait le mal. (…) Il aimait voir le sang couler. C’était un monstre, même le diable s’est inspiré de lui.»
Avant d’ajouter: «Quand je lui disais après nos disputes que j’allais partir, il me disait qu’il me jetterait du 12e étage avec ma fille, et qu’il sauterait après, qu’il n’avait pas peur de mourir. Peut-être qu’il a voulu tuer tout le monde pour ne pas mourir seul.»