PhilippinesRodrigo Duterte va finalement préparer sa défense devant la CPI
Rodrigo Duterte avait dans un premier temps promis de ne pas coopérer avec la CPI, qui enquête sur la guerre antidrogue menée par son gouvernement.
Le président philippin Rodrigo Duterte a assuré qu’il «préparerait» sa défense devant la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête sur la guerre antidrogue meurtrière menée par son gouvernement, et avec laquelle il avait promis de ne pas coopérer.
«Je vais préparer ma défense devant la CPI», a affirmé Rodrigo Duterte dans un discours pré-enregistré diffusé lundi soir, son premier commentaire public sur l’enquête de la CPI. Les juges de la Cour pénale internationale ont autorisé en septembre une enquête sur la guerre antidrogue du gouvernement philippin, marquée par des milliers de meurtres commis par les forces de l’ordre pouvant constituer, selon les juges, des crimes contre l’humanité.
«Tenez-vous en aux faits parce qu’il existe des documents. Je ne vous menace pas, juste ne me trompez pas sur les preuves», a déclaré Rodrigo Duterte dans son discours, diffusé deux jours après avoir annoncé son retrait de la vie politique après l’élection présidentielle de mai 2022.
Le président philippin a affirmé à plusieurs reprises que la CPI -- chargée de juger les crimes de guerre et contre l’humanité -- n’avait aucune autorité et qu’il ne coopérerait pas à ce qu’il a qualifié d’enquête «illégale». Les Philippines se sont retirées de la CPI en 2019, mais la Cour, basée à La Haye, assure que la juridiction reste compétente concernant des crimes commis lorsque le pays en était encore membre.
«C’est moi qui irai»
Rodrigo Duterte avait été élu en 2016 après une campagne sécuritaire outrancière, promettant d’éradiquer le trafic de drogue en faisant abattre des dizaines de milliers de délinquants, suscitant l’indignation de la communauté internationale. Lundi, il a une nouvelle fois affirmé qu’il protégerait les agents menant la guerre contre la drogue «tant qu’ils respectent la loi».
Il a tenu à les rassurer, affirmant que l’enquête porte sur lui, «pas sur vous» et qu’il n’entendait pas se défiler. «Si quelqu’un doit aller en prison, c’est moi qui irai». En 2018, trois policiers philippins ont écopé de la réclusion perpétuelle assortie d’une période de sûreté de 20 ans pour le meurtre d’un adolescent qui avait suscité un tollé en 2017. Ils avaient été condamnés car les circonstances de la mort du jeune homme n’étaient pas conformes à leurs déclarations.
Le ministre de la Justice Menardo Guevarra a déclaré dimanche qu’un examen de 52 opérations antidrogue menées par la police ont permis d’identifier environ 154 agents dont la «responsabilité pénale» pourrait être engagée. Elles feront l’objet d’une enquête approfondie et des poursuites pénales seront engagées «si les preuves le justifient», a déclaré Menardo Guevarra.
Carlos Conde, chercheur pour l’organisation Human Rights Watch, a estimé que le chef de l’État a l’air d’un «homme vraiment effrayé». «Il sait qu’il devra rendre des comptes et avec la CPI il y a de fortes chances que cela se produise», a affirmé Carlos Conde à l’AFP. «Il a peur d’une condamnation par la CPI et, peut-être pire, de perdre… la face (par rapport) aux policiers qui ont suivi ses ordres à commettre des meurtres mais qui réalisent maintenant qu’ils doivent eux aussi rendre des comptes».
Retrait de la vie politique
Rodrigo Duterte, à qui la constitution interdit de briguer un second mandat, avait déclaré en août qu’il briguerait la vice-présidence. Samedi, à la surprise générale, il a dit y renoncer et a annoncé son retrait de la vie politique. Rodrigo Duterte n’a pas donné le nom de la personne susceptible de lui succéder mais a évoqué la candidature de sa fille Sara aux côtés de son conseiller de longue date, le sénateur Christopher Go.
Selon des analystes, si sa fille était élue à la tête de l’archipel, cela permettrait de le protéger d’éventuelles poursuites judiciaires dans son pays et de la CPI. Sara Duterte-Carpio, qui occupe la fonction de maire de la ville de Davao (sud), poste occupé par son père avant qu’il devienne président, avait affirmé ne pas vouloir se présenter si son père briguait la vice-présidence.
Selon de récents sondages, la fille du président, Ferdinand «Bongbong» Marcos, fils et homonyme de l’ancien dictateur du pays, ainsi que l’ex-acteur et maire de Manille Francisco Domagoso et boxeur superstar Manny Pacquiao sont les mieux placés pour briguer la présidence.